Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 45e Législature
Volume 154, Numéro 21
Le jeudi 2 octobre 2025
L’honorable René Cormier, Président intérimaire
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- La regrettée très honorable baronne Margaret Thatcher, L.G., O.M., C.P., F.R.S.
- L’Assemblée canadienne de la jeunesse sur le climat
- Visiteurs à la tribune
- L’innovation dans le domaine de la réglementation
- Visiteur à la tribune
- Le Centre du patrimoine de la GRC
- Le décès de l’honorable Donald H. Oliver, C.M., c.r., O.N.S.
- Visiteurs à la tribune
- Les Journées du cinéma libanais au Canada
- Visiteurs à la tribune
- La regrettée très honorable baronne Margaret Thatcher, L.G., O.M., C.P., F.R.S.
- AFFAIRES COURANTES
- Projet de loi sur la Journée des villes et des municipalités
- Peuples autochtones
- L’étude des responsabilités du gouvernement fédéral à l’égard des Premières Nations, des Inuit et des Métis—Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier la réponse du gouvernement au quatorzième rapport du comité déposé pendant la première session de la quarante-quatrième législature et à être saisi des documents reçus et des témoignages entendus pendant la session précédente
- L’étude des responsabilités du gouvernement fédéral à l’égard des Premières Nations, des Inuit et des Métis—Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier la réponse du gouvernement au sixième rapport du comité déposé pendant la première session de la quarante-quatrième législature et à être saisi des documents reçus et des témoignages entendus pendant la session précédente
- L’étude des responsabilités du gouvernement fédéral à l’égard des Premières Nations, des Inuit et des Métis—Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier la réponse du gouvernement au douzième rapport du comité déposé pendant la première session de la quarante-quatrième législature et à être saisi des documents reçus et des témoignages entendus pendant la session précédente
- L’étude des responsabilités du gouvernement fédéral à l’égard des Premières Nations, des Inuit et des Métis—Préavis de motion tendant à inscrire à l’ordre du jour le vingtième rapport du comité déposé pendant la première session de la quarante et unième législature
- L’étude des responsabilités du gouvernement fédéral à l’égard des Premières Nations, des Inuits et des Métis—Préavis de motion tendant à inscrire à l’ordre du jour le vingt et unième rapport du comité déposé pendant la première session de la quarante et unième législature
- Affaires étrangères et commerce international
- La vie et le legs de Jane Goodall
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
- Les travaux du Sénat
- L’ajournement
- Le Code criminel
- La Gore Mutual Insurance Company
- La Loi sur le casier judiciaire
- Projet de loi sur le vote à seize ans
- Projet de loi sur le Mois du patrimoine arabe
- Projet de loi sur la stratégie nationale pour la santé des sols
- Affaires sociales, sciences et technologie
- Affaires juridiques et constitutionnelles
- Affaires sociales, sciences et technologie
- Pêches et océans
- Sécurité nationale, défense et anciens combattants
- L’avenir des médias d’information canadiens
- Les travaux du Sénat
LE SÉNAT
Le jeudi 2 octobre 2025
La séance est ouverte à 13 h 30, le Président intérimaire étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
La regrettée très honorable baronne Margaret Thatcher, L.G., O.M., C.P., F.R.S.
L’honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, le 13 octobre 1925, il y a près d’un siècle, Margaret Roberts voyait le jour à Grantham, en Angleterre. Bon nombre d’entre vous la connaissent sous son nom de femme mariée, Margaret Thatcher. Fille d’un épicier, elle a atteint les sommets du pouvoir politique de la Grande-Bretagne et du monde, devenant la première femme élue première ministre de Grande-Bretagne de 1979 à 1990, la meilleure personne à occuper ce poste depuis sir Winston Churchill.
Tout comme Churchill, elle avait une vision claire des choses, une foi inébranlable dans les principes qu’elle défendait, une détermination sans faille, une connaissance encyclopédique des faits et une maîtrise magistrale de la langue. Elle était phénoménale. Bref, c’était la dame de fer.
Dans sa biographie de Margaret Thatcher, Charles Moore décrit les premiers pas de cette dernière en politique comme candidate conservatrice à Dartford, dans le comté de Kent, alors un château fort travailliste. Voici ce que Moore a écrit sur ses échanges avec son adversaire travailliste : « [...] elle s’était lancée dans la bataille armée d’un véritable arsenal de faits. » Lors d’un débat de la campagne sur la récente dévaluation de la livre sterling, elle était allée droit au but en réclamant une nouvelle politique « faisant de la livre l’égale du dollar plutôt que sa carpette ».
Si on voulait résumer son idéologie politique, ce qui n’est pas forcément possible, on pourrait dire qu’elle croyait en l’importance de la responsabilité individuelle et de la liberté individuelle et qu’elle s’opposait farouchement au socialisme. La plupart de ses observations sur ces sujets demeurent d’actualité, dont sa plus célèbre : « Le problème avec le socialisme, c’est que l’argent des autres finit toujours par manquer. »
Elle détestait aussi le socialisme parce qu’il réduit la liberté et la responsabilité individuelles :
L’essence du socialisme —
disait-elle
... c’est de céder à l’État une grande partie du pouvoir que l’on a sur sa propre vie.
Le socialisme signifie que les impôts que vous payez augmentent toujours parce que les socialistes :
[...] pensent que les politiciens peuvent mieux dépenser l’argent que le peuple ne peut le faire. Mais plus on prélève d’argent —
soulignait-elle
... moins il y en a pour l’industrie privée, où se crée la richesse.
Elle soutenait ceci :
Les politiciens [...] devraient [...] être un peu plus modestes quant à leurs capacités. Nous ne pouvons pas tout gérer et nous ne devrions pas essayer de le faire.
Elle estimait que le socialisme, par sa nature même, exerce un contrôle central sur la vie des gens. Ils sont moins libres d’utiliser leurs talents et leurs capacités et de prendre leurs propres décisions, et le gouvernement a davantage de pouvoir sur eux.
Les mots étaient son superpouvoir. Mon ami le très honorable sir John Whittingdale, actuellement député conservateur au Royaume-Uni, a été secrétaire politique de la baronne Thatcher de 1988 à 1990. Il m’a dit qu’il lui attribuait le mérite d’avoir prolongé l’âge d’or du discours, qui a commencé dans les années 1880 et qui a duré un siècle.
Je vous invite à vous joindre à moi pour rendre hommage à la baronne Margaret Thatcher, une grande première ministre qui a défendu l’Occident et qui demeure un symbole d’espoir pour ceux qui cherchent à faire progresser la liberté individuelle et la liberté face à l’État.
Merci, chers collègues.
L’Assemblée canadienne de la jeunesse sur le climat
L’honorable Mary Coyle : Honorables sénateurs, alors que nous pleurons aujourd’hui le décès de Jane Goodall, grande scientifique reconnue pour son engagement envers la planète et sa foi profonde dans le potentiel des jeunes, permettez-moi de vous parler d’une initiative jeunesse qui favorise la santé de notre planète, le bien-être de notre société et la vitalité de notre démocratie.
Le 21 septembre dernier, 20 de nos collègues sénateurs, accompagnés de députés et d’autres invités, ont participé à un événement organisé par la Présidente Gagné afin d’assister à la présentation des recommandations de l’Assemblée canadienne de la jeunesse sur le climat. Il s’agit de la toute première assemblée nationale de citoyens consacrée aux changements climatiques au Canada, et également de la première initiative du genre à l’échelle mondiale qui s’adresse tout particulièrement aux jeunes adultes âgés de 18 à 25 ans.
Je remercie sincèrement nos nombreux collègues qui y étaient et les nombreux autres qui, je le sais, auraient bien aimé y être.
Cet été, 33 jeunes Canadiens, choisis par tirage au sort, ont participé à trois séances virtuelles et à cinq journées de discussion à Ottawa, se sont réunis pour réfléchir à la façon dont le Canada peut respecter ses engagements en matière de lutte contre les changements climatiques, tout en demeurant fidèle aux valeurs et aux priorités de leurs contemporains.
[Français]
Les jeunes membres ont commencé leur présentation bilingue et réfléchie.
[Traduction]
Ils ont dit ceci :
Nous venons des contrées sauvages des Territoires du Nord-Ouest, des régions montagneuses de l’Ouest, des Prairies aux champs dorés, du Québec aux rivières tumultueuses et des vastes et venteuses régions côtières des provinces de l’Atlantique.
Nous avons nos divergences d’opinions, mais nous sommes tous d’accord sur la gravité et l’urgence de la crise climatique.
Nous avons subi les effets des changements climatiques pendant notre enfance et dans le cadre de notre parcours scolaire et professionnel, et nous savons que les efforts déployés sont insuffisants.
C’est pour cela que plus de 700 jeunes Canadiens tenaient à participer à cette assemblée. Ils ont ajouté ceci : « Si nous sacrifions un peu de temps et d’efforts à cette cause, c’est parce que nous souhaitons voir du changement. »
Ils ont notamment fait ces recommandations judicieuses : demander aux parlementaires de mettre de côté les allégeances politiques afin de respecter les engagements climatiques; tenir compte de l’avis et du point de vue des jeunes dans la prise de décisions; faire en sorte que tous les ordres de gouvernement, y compris les gouvernements autochtones, coordonnent leurs efforts pour se préparer aux situations d’urgence; éliminer progressivement les subventions publiques au secteur pétrolier et gazier, et veiller à ce que l’aide restante soit conditionnelle à l’adoption de cibles claires en matière de réduction des émissions; accélérer la transition vers l’électricité propre dans tout le pays; renforcer les réseaux électriques interprovinciaux et territoriaux; investir dans des technologies éprouvées; respecter la souveraineté et le leadership des Autochtones; élargir les mesures de soutien en santé mentale pour les Canadiens souffrant de stress et de traumatismes liés au climat.
Honorables collègues, comme l’a dit Jane Goodall, les jeunes sont mieux branchés, mieux informés et mieux outillés que toute autre génération pour protéger notre planète.
Le groupe Sénateurs pour des solutions climatiques se réjouit à l’idée de travailler avec vous et avec ses homologues de l’autre endroit pour donner suite au travail important de l’Assemblée canadienne de la jeunesse sur le climat.
Wela’lioq, merci.
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Jane et Ab Tilk. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Muggli.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
L’innovation dans le domaine de la réglementation
L’honorable Colin Deacon : Honorables sénateurs, il arrive trop souvent que les organismes de réglementation, au lieu de favoriser le progrès, freinent l’innovation et le changement. Or, dans le contexte actuel, marqué par une évolution rapide des risques technologiques, économiques et environnementaux, la souplesse réglementaire en matière de modernisation et d’innovation est devenue une nécessité. Elle est désormais indispensable si nous souhaitons protéger les citoyens et l’environnement, tout en favorisant l’innovation nationale, moteur essentiel de notre croissance économique. C’est dans cet esprit que mon bureau s’est donné pour devise : une économie innovante a besoin d’un gouvernement innovant.
J’aimerais vous faire part d’un exemple inspirant d’innovation dans le domaine de la réglementation, une initiative récemment mise en œuvre dans ma province, la Nouvelle-Écosse, par le ministère de l’Environnement et du Changement climatique et le bureau de l’efficacité des services, tous deux dirigés par Timothy Halman.
(1340)
Ils ont créé une équipe appelée la Large Industrial File Team, ou LIFT. La LIFT a été mise en place dans le but d’apporter précision, cohérence et rapidité à la surveillance des projets industriels complexes. Une surveillance réglementaire rigoureuse est essentielle pour obtenir l’acceptation sociale, et la certitude réglementaire est essentielle pour attirer les investissements indispensables à la croissance économique.
La LIFT est composée de gestionnaires, d’ingénieurs, d’hydrologues et d’inspecteurs environnementaux chevronnés. Elle bénéficie également du soutien de spécialistes des ressources hydriques, de la qualité environnementale et des opérations industrielles. Leur rôle collectif est de veiller à ce que chaque décision soit fondée sur la science, les faits et les données probantes.
Parmi leurs premiers dossiers figure l’élimination du dioxyde de carbone terrestre, en particulier au moyen de l’augmentation de l’alcalinité des océans, que nous étudions présentement au Comité sénatorial des pêches et des océans. L’augmentation de l’alcalinité des océans consiste à ajouter des matières alcalines à l’eau de mer afin de réduire l’acidité et d’améliorer la santé des océans, tout en capturant le dioxyde de carbone dans l’atmosphère.
Ce domaine émergent ne bénéficie pas encore de l’expertise réglementaire ni de l’attention requises. C’est pourquoi il est significatif que la LIFT assure désormais la surveillance de l’entreprise néo-écossaise Planetary Technologies, leader mondial dans le domaine de l’augmentation de l’alcalinité des océans. Planetary Technologies a été finaliste au concours XPRIZE Carbon Removal doté de 100 milliards de dollars et a récemment conclu un accord d’achat de 31 millions de dollars en crédits d’élimination du carbone avec un consortium de leaders technologiques américains. La surveillance de Planetary Technologies a été transférée à la LIFT plus tôt cette année, ce qui permet à l’entreprise de bénéficier d’une surveillance réglementaire claire, agile et fondée sur des données probantes.
L’initiative de la LIFT montre ce qu’il est possible d’accomplir quand les régulateurs embrassent l’innovation. Il en découle des processus plus clairs, plus réactifs et plus faciles à naviguer qui se traduisent par des débouchés compétitifs à l’échelle mondiale, dans le respect de notre responsabilité de protéger les citoyens, l’environnement et l’économie.
Une réglementation efficace n’a pas pour objectif de dire non, mais plutôt de dire oui tout en soutenant de nouvelles approches visant à garantir le maintien de mesures de protection solides. Ne déréglementons pas, mais réglementons de manière plus intelligente et donnons aux entreprises les moyens d’innover tout en continuant à protéger les Canadiens et ce qui leur tient le plus à cœur. Merci, chers collègues.
Des voix : Bravo!
Visiteur à la tribune
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Sam Karikas, cheffe de la direction du Centre du patrimoine de la GRC. Elle est l’invitée de l’honorable sénateur Klyne.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Le Centre du patrimoine de la GRC
L’honorable Marty Klyne : Honorables sénateurs, c’est avec fierté que je prends la parole au sujet du Centre du patrimoine de la GRC, à Regina, et des progrès réalisés pour le transformer en musée national. Ce projet me tient à cœur et a le potentiel extraordinaire d’approfondir la compréhension de notre histoire par les Canadiens.
Le Centre du patrimoine de la GRC est une installation majestueuse de 65 000 pieds carrés qui abrite 18 000 pieds carrés d’expositions. Il a ouvert ses portes le 23 mai 2007, à côté de l’École de la GRC, Division Dépôt, où les membres de la GRC s’entraînent depuis 1885.
Ce lien en fait un lieu particulièrement puissant : un lien vivant entre l’histoire de la GRC et le service des membres d’aujourd’hui. À l’intérieur, les expositions du centre retracent l’histoire de la GRC depuis les premiers jours de la Police à cheval du Nord-Ouest et du développement de l’Ouest canadien.
Mais le Centre du patrimoine n’est pas seulement un lieu d’exposition d’artefacts sous verre. C’est un lieu de découverte, de réflexion et de réconciliation. Sa vision est de célébrer le courage et le service des membres de la GRC, tout en racontant les histoires difficiles, notamment celles du rôle de la GRC dans les communautés autochtones et de l’héritage traumatisant des pensionnats. Ces histoires sont abordées avec honnêteté, dignité et compassion. Ce rôle est au cœur de l’engagement du centre à favoriser la vérité et la réconciliation.
Le passage au statut de musée national est essentiel. Il permettra d’assurer l’avenir du Centre du patrimoine en tant que lieu d’apprentissage et de guérison, pour que les Canadiens comme les visiteurs puissent découvrir dans son intégralité l’héritage complexe de la GRC ainsi que le rôle que celle-ci continue de jouer en façonnant le Canada. Sur 6 400 Canadiens interrogés, 91 % ont dit qu’ils jugent important ou très important de mettre en place un musée national de la GRC. Il est clair que c’est ce que veulent les Canadiens. Le gouvernement du Canada a confirmé cette vision en proposant un engagement de 12 millions de dollars dans l’Énoncé économique de l’automne 2024.
Comme Son Honneur vient de le souligner, Sam Karikas, la directrice générale du Centre du patrimoine de la GRC, se joint à nous à la tribune. Son leadership a joué un rôle déterminant pour transformer cette vision en réalité, et je me réjouis des progrès qu’elle a obtenus.
Chers collègues, les agents de la GRC, avec leur tunique rouge, leurs bottes Strathcona et leur stetson, sont collectivement un des symboles les plus reconnus dans le monde. Nous savons également que les personnes qui servent dans notre force de police nationale agissent avec courage chaque fois qu’elles endossent l’uniforme et qu’elles font parfois le sacrifice ultime en service. Le chapitre consacré à la GRC dans l’histoire du Canada sera bientôt présenté dans notre nouveau musée national, en Saskatchewan, sur le territoire visé par le traité no 4 et dans la patrie de la nation métisse, et c’est quelque chose que je salue et dont j’attends avec impatience la concrétisation.
Le décès de l’honorable Donald H. Oliver, C.M., c.r., O.N.S.
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à feu l’honorable Donald H. Oliver, un homme aux principes et aux convictions inébranlables, qui était animé d’une foi profonde.
Je n’oublierai jamais ma première rencontre avec lui. C’était mon premier jour sur la Colline du Parlement, dans l’antichambre adjacente à la salle de réunion du caucus national. J’étais très nerveuse, mais j’ai remarqué un homme qui se frayait un chemin à travers la foule et venait vers moi. Nous étions pratiquement nez à nez lorsqu’il m’a saluée avec un sourire chaleureux et m’a tendu la main. Puis, il m’a dit ceci :
Je vous attendais. Je suis le sénateur Don Oliver, le premier homme noir à être nommé au Sénat. Je m’efforce depuis 17 ans à promouvoir la diversité et l’inclusion au Canada, et je me réjouis à l’idée de collaborer avec vous.
Ce moment était plus qu’un simple accueil. C’était une affirmation. Il m’a fait sentir que j’étais vue et appréciée et que je faisais partie de quelque chose de plus grand. C’était Donald Oliver tout craché. Il se comportait avec dignité, mais aussi avec une gentillesse sincère qui permettait aux gens autour de lui de se sentir à l’aise. Il avait une foi profonde et inébranlable en Dieu. Il assistait fidèlement au déjeuner-prière, qui a lieu chaque mercredi matin sur la Colline du Parlement. Il m’a invité à y participer peu après le début de mon mandat au Sénat, et c’est ce que je fais depuis. Cette simple invitation m’a amenée à développer un esprit de réflexion et de fraternité chrétienne qui m’a soutenue tout au long de ma carrière dans le service public.
Issu d’un milieu modeste à Wolfville, en Nouvelle-Écosse, Donald Oliver a été élevé par des parents qui lui ont inculqué le sens du devoir. Quels que soient ses moyens, chacun doit donner en retour. Il a ensuite étudié à l’Université Acadia et à la Faculté de droit de l’Université Dalhousie, jetant ainsi les bases d’une vie où le service public et le changement social occuperaient toujours une place centrale.
En 1990, il est entré dans l’histoire : il a été nommé au Sénat du Canada. Il est ainsi devenu le premier Noir de la Nouvelle-Écosse à siéger au sein de cette institution. Au cours des 23 années qui ont suivi, il a assumé cette responsabilité en faisant preuve d’élégance, d’intégrité et d’un dévouement sans faille. Au Sénat, il a présidé de nombreux comités permanents, il a occupé le poste de Président intérimaire et il a été un moteur dans la promotion de l’équité, de l’inclusion et des droits de la personne. Il a présenté des motions et des projets de loi visant à éliminer les obstacles systémiques, dont un qui a conduit le Parlement à reconnaître officiellement le Mois de l’histoire des Noirs.
Donald Oliver a reçu de nombreuses distinctions et récompenses : il a obtenu cinq doctorats honorifiques, il a été nommé au sein de l’Ordre du Canada et de l’Ordre de la Nouvelle-Écosse, et il a récolté de nombreuses médailles reconnaissant son service public et son leadership.
Pour son épouse bien-aimée Linda, sa fille Carolynn et toute sa famille élargie, son décès est une perte immense. Pour le Canada, c’est le départ d’un géant. Repose en paix, cher collègue, mentor et frère dans le Christ.
[Français]
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Patricia Chamoun et de Roni Daoud, de la Beirut Film Society. Ils sont accompagnés d’autres membres de l’organisme. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Henkel.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Les Journées du cinéma libanais au Canada
L’honorable Danièle Henkel : Honorables sénateurs, c’est avec une joie profonde que je rends hommage aujourd’hui aux Journées du cinéma libanais au Canada, portées avec passion par la Beirut Film Society, qui se tiennent à Montréal jusqu’au 5 octobre. J’ai d’ailleurs l’honneur d’être présidente d’honneur du jury.
Le cinéma n’est pas seulement un art. Il est aussi une mémoire partagée, un miroir tendu à nos sociétés, un langage universel qui unit au-delà des frontières.
(1350)
Il y a plus de 140 ans, le premier immigrant libanais connu, Ibrahim Abou-Nader, posait le pied à Montréal. Il n’avait rien, sinon ses mains et les récits d’un pays qu’il portait dans son cœur. Colporteur dans les rues enneigées, il transportait bien plus que des marchandises : il transportait le Liban.
Depuis neuf ans, la Beirut Film Society fait résonner au Canada le cinéma libanais, en créant un espace d’échanges et en transformant l’écran en instrument de diplomatie.
Plus qu’une série de projections, c’est une parole offerte à celles et ceux qui ont traversé les continents et les générations et une invitation lancée aux nouveaux publics à se joindre à cette conversation.
Ce type d’événement a une véritable vocation éducative qui permet de découvrir la richesse, les défis et l’impact de la culture libanaise sur notre patrimoine collectif.
La diaspora libanaise au Canada est un pont vivant entre nos deux pays. Elle est au cœur de nos échanges culturels, mais aussi économiques. Elle porte en elle la créativité, l’esprit d’entreprise et la résilience qui caractérisent le Liban et les met au service du dynamisme canadien.
En effet, la diplomatie se construit aussi par l’art, l’éducation et les affaires au quotidien. Les échanges culturels ouvrent la voie aux échanges économiques, et réciproquement. Ce festival en est un exemple : en donnant à voir le Liban à travers ses films, il prépare aussi le terrain à des collaborations plus vastes entre nos sociétés.
Je salue cette vision où l’on échange des récits, où l’on partage des idées et où l’on construit de nouvelles alliances, qui sont de véritables leviers de développement.
Je souhaite un grand succès au festival du film libanais.
Merci.
[Traduction]
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Christopher et Katherine McPhedran, qui sont accompagnés de leurs enfants Colton et Phoebe. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice McPhedran.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
[Français]
AFFAIRES COURANTES
Projet de loi sur la Journée des villes et des municipalités
Première lecture
L’honorable Éric Forestdépose le projet de loi S-237, Loi instituant la Journée des villes et des municipalités.
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Forest, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)
[Traduction]
Peuples autochtones
L’étude des responsabilités du gouvernement fédéral à l’égard des Premières Nations, des Inuit et des Métis—Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier la réponse du gouvernement au quatorzième rapport du comité déposé pendant la première session de la quarante-quatrième législature et à être saisi des documents reçus et des témoignages entendus pendant la session précédente
L’honorable Margo Greenwood : Honorables sénateurs, conformément à l’article 5-3 du Règlement, au nom de l’honorable sénatrice Audette, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, elle proposera :
Que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, la réponse du gouvernement, datée du 26 avril 2024, au quatorzième rapport (provisoire) du comité, intitulé Honorer les enfants qui ne sont jamais rentrés auprès des leurs : vérité, éducation et réconciliation, déposé au Sénat le 19 juillet 2023, au cours de la première session de la quarante-quatrième législature;
Que les documents reçus, les témoignages entendus, et les travaux accomplis par le comité sur ce sujet au cours de la première session de la quarante-quatrième législature soient renvoyés au comité; et
Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 31 décembre 2026 et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.
L’étude des responsabilités du gouvernement fédéral à l’égard des Premières Nations, des Inuit et des Métis—Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier la réponse du gouvernement au sixième rapport du comité déposé pendant la première session de la quarante-quatrième législature et à être saisi des documents reçus et des témoignages entendus pendant la session précédente
L’honorable Margo Greenwood : Honorables sénateurs, conformément à l’article 5-3 du Règlement, au nom de l’honorable sénatrice Audette, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, elle proposera :
Que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, la réponse du gouvernement, datée du 23 février 2023, au sixième rapport (provisoire) du comité, intitulé Il faut agir pour les FFADA : Ce n’est pas juste l’intention qui compte, déposé auprès du greffier du Sénat le 22 juin 2022, au cours de la première session de la quarante-quatrième législature;
Que les documents reçus, les témoignages entendus, et les travaux accomplis par le comité sur ce sujet au cours de la première session de la quarante-quatrième législature soient renvoyés au comité;
Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 31 décembre 2026 et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.
L’étude des responsabilités du gouvernement fédéral à l’égard des Premières Nations, des Inuit et des Métis—Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier la réponse du gouvernement au douzième rapport du comité déposé pendant la première session de la quarante-quatrième législature et à être saisi des documents reçus et des témoignages entendus pendant la session précédente
L’honorable Margo Greenwood : Honorables sénateurs, conformément à l’article 5-3 du Règlement, au nom de l’honorable sénatrice Audette, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, elle proposera :
Que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, la réponse du gouvernement, datée du 21 mars 2024, au douzième rapport (provisoire) du comité, intitulé Vu de l’extérieur : La mise en œuvre de la Loi sur le cannabis et ses effets sur les peuples autochtones, déposé au Sénat le 14 juin 2023, au cours de la première session de la quarante-quatrième législature;
Que les documents reçus, les témoignages entendus, et les travaux accomplis par le comité sur ce sujet au cours de la première session de la quarante-quatrième législature soient renvoyés au comité;
Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 31 décembre 2026 et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.
L’étude des responsabilités du gouvernement fédéral à l’égard des Premières Nations, des Inuit et des Métis—Préavis de motion tendant à inscrire à l’ordre du jour le vingtième rapport du comité déposé pendant la première session de la quarante et unième législature
L’honorable Margo Greenwood : Honorables sénateurs, conformément à l’article 5-3 du Règlement, au nom de l’honorable sénatrice Audette, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, elle proposera :
Que le vingtième rapport (provisoire) du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, intitulé Archives manquantes, enfants disparus, déposé au Sénat le 25 juillet 2024, au cours de la première session de la quarante-quatrième législature, soit inscrit à l’ordre du jour sous la rubrique Autres affaires, Rapports de comités — Autres, pour étude à la prochaine séance.
(1400)
L’étude des responsabilités du gouvernement fédéral à l’égard des Premières Nations, des Inuits et des Métis—Préavis de motion tendant à inscrire à l’ordre du jour le vingt et unième rapport du comité déposé pendant la première session de la quarante et unième législature
La sénatrice Greenwood : Honorables sénateurs, conformément à l’article 5-3 du Règlement, au nom de l’honorable sénatrice Audette, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, elle proposera :
Que le vingt et unième rapport (provisoire) du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, intitulé Respectés et protégés : Vers l’établissement d’un cadre régissant les droits de la personne des Autochtones, déposé au Sénat le 12 décembre 2024, au cours de la première session de la quarante-quatrième législature, soit inscrit à l’ordre du jour sous la rubrique Autres affaires, Rapports de comités — Autres, pour étude à la prochaine séance.
Affaires étrangères et commerce international
Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier les intérêts et l’engagement du Canada en Afrique et à être saisi des documents reçus et des témoignages entendus durant la première session de la quarante-quatrième législature
L’honorable Peter M. Boehm : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, les intérêts et l’engagement du Canada en Afrique, et d’autres questions connexes;
Que les documents reçus, les témoignages entendus, et les travaux accomplis par le comité sur ce sujet au cours de la première session de la quarante-quatrième législature soient renvoyés au comité;
Que le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer des rapports sur cette étude auprès de la greffière du Sénat, si le Sénat ne siège pas à ce moment-là, et que les rapports soient réputés avoir été déposés au Sénat;
Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 31 mars 2026 et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.
La vie et le legs de Jane Goodall
Préavis d’interpellation
L’honorable Marty Klyne : Honorables sénateurs, je donne préavis que, après-demain :
J’attirerai l’attention du Sénat sur la vie et l’héritage de Jane Goodall.
PÉRIODE DES QUESTIONS
La sécurité publique
Le programme de rachat d’armes à feu
L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) : Monsieur le leader du gouvernement, la fusillade qui s’est produite hier dans un café Starbucks de Laval nous rappelle une fois de plus que les Canadiens paient le prix d’un programme libéral en sécurité publique qui donne du pouvoir aux criminels partout au pays. Au lieu de s’attaquer aux véritables causes des crimes commis à l’aide d’armes à feu, le gouvernement insiste pour aller de l’avant avec une politique stupéfiante de 742 millions de dollars visant à confisquer les armes à feu dûment enregistrées des citoyens respectueux de la loi, un programme que le ministre de la Sécurité publique qualifie de gaspillage d’argent.
Quand le premier ministre fera-t-il preuve de leadership, congédiera-t-il l’incompétent ministre de la Sécurité publique, mettra-t-il enfin un terme à ce programme défaillant de rachat d’armes à feu et commencera-t-il à s’attaquer au véritable problème des crimes violents?
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Je pense que les Canadiens méritent le programme de rachat d’armes à feu, car il a déjà prouvé que des milliers d’armes qui n’étaient pas destinées aux chasseurs ou aux agriculteurs, mais qui visaient à tuer des gens, ont été récupérées par le gouvernement.
Au lieu de le qualifier de mauvais programme, vous devriez plutôt le qualifier de programme de sécurité qui profitera à tous les Canadiens et grâce auquel ils vont se sentir en sécurité dans leur collectivité.
Le sénateur Housakos : Monsieur le leader du gouvernement, votre propre ministre de la Sécurité publique qualifie cette initiative de gaspillage d’argent. Sénateur Moreau, si le ministre lui-même l’admet, pourquoi le premier ministre ne peut-il pas renoncer à ce programme qui a déjà coûté 742 millions de dollars? Prenez cet argent et utilisez-le pour faire ce que les Canadiens attendent de vous. Ils veulent que ces 742 millions de dollars servent à augmenter les ressources et les effectifs de la GRC. Ils veulent des scanneurs dans les ports afin de régler le problème signalé par l’Agence des services frontaliers du Canada, à savoir qu’une tonne de produits illégaux entrent par les ports qui sont actuellement sans surveillance policière. Voilà ce que veulent les Canadiens. Ils veulent des mesures concrètes, pas des déclarations moralisatrices.
Le sénateur Moreau : Sénateur Housakos, vous savez très bien que le budget de la GRC a été majoré afin de lutter contre la criminalité au Canada.
Vous avez fait référence à la situation malheureuse qui s’est produite hier à Laval. Pensez-vous que l’arme utilisée hier était une arme conçue pour la chasse? Il s’agissait d’une arme militaire, et ce type d’arme n’a pas sa place au Canada.
[Français]
La violence faite aux femmes
L’honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs :
Elle s’appelait Gabie Renaud. Elle a été tuée début septembre, son corps a été retrouvé la fin de semaine dernière dans son appartement de Saint-Jérôme.
Son conjoint a été accusé de meurtre. Depuis 20 ans, Johnathan Blanchette a accumulé une trentaine d’accusations pour des crimes violents, le plus souvent commis dans un contexte conjugal et pour non-respect de conditions qui lui avaient été imposées. Voilà le résultat d’un système qui favorise les portes tournantes et les peines Netflix.
Reconnaissez-vous que le laxisme et la naïveté de votre gouvernement depuis 10 ans ont fait que le système correctionnel au Canada est devenu un vaste système de portes tournantes?
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Sénateur Carignan, j’ai déjà dit que lorsque l’on qualifie le système de justice de façon négative, on réduit la confiance du public dans ce système et dans les tribunaux. Je pense que notre rôle, non seulement en tant que sénateurs, mais aussi en tant qu’avocats — vous êtes vous aussi avocat — est de soutenir le système de justice partout au Canada.
Quant aux libérations qui sont accordées, elles le sont par une commission indépendante, la Commission des libérations conditionnelles du Canada. De plus, le ministre de la Justice a déjà indiqué son intention de modifier le Code criminel pour renforcer les critères d’obtention de libération conditionnelle pour les personnes condamnées.
Le sénateur Carignan : Si on demandait aux citoyens d’écouter votre réponse à ma question, ils perdraient confiance dans le système, car vous refusez d’admettre les problèmes. Cela fait en sorte que vous ne trouvez pas de solutions et qu’on se retrouve avec un système qui ne fonctionne pas. Confronté à des drames répétitifs, notamment des féminicides, le gouvernement peine à protéger les Canadiennes, jeunes et moins jeunes. Je vous pose la question : qu’est-ce que votre gouvernement entend faire pour veiller à leur sécurité? Avec le type de réponse que vous me donnez, j’anticipe votre réponse à venir : rien.
Le sénateur Moreau : Vous ne devriez pas anticiper mes réponses, sénateur Carignan. Je vais les formuler moi-même, si vous me le permettez. Le gouvernement prend très au sérieux la situation des féminicides de même que la situation qui met en péril la sécurité des Canadiens. Le ministre de la Justice a indiqué son intention de renforcer le Code criminel, notamment pour prévoir de telles situations. Les tribunaux sont là pour mettre en application le Code criminel. J’estime que votre devoir est également de soutenir les tribunaux dans leur travail.
[Traduction]
L’emploi et le développement social
La prestation canadienne pour les personnes handicapées
L’honorable Mary Coyle : Sénateur Moreau, en juillet, la très attendue Prestation canadienne pour les personnes handicapées a enfin été lancée. Cependant, au cours des deux premiers mois suivant son lancement, de multiples problèmes techniques ont retardé le versement de la prestation à de nombreux bénéficiaires, et certains n’ont même pas pu être approuvés.
Comme vous le savez, certains défenseurs des personnes handicapées ont également fait valoir que la conception actuelle de la prestation ne contribuera pas réellement à la réduction de la pauvreté. Pourriez-vous nous dire combien de personnes à ce jour ont été approuvées pour la prestation et combien l’ont effectivement reçue, et si Service Canada a résolu les problèmes techniques qui empêchaient les personnes admissibles de la recevoir? Merci.
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci beaucoup, sénatrice Coyle. Je n’ai pas les chiffres les plus récents sous la main. Cependant, le gouvernement estime que la Prestation canadienne pour les personnes handicapées améliorera la situation financière de plus de 600 000 personnes à faible revenu, contribuant ainsi à réduire la pauvreté et à promouvoir l’inclusion. La Prestation canadienne pour les personnes handicapées est un élément clé du Plan d’action pour l’inclusion des personnes en situation de handicap du Canada et représente une étape importante dans la réduction de la pauvreté et l’amélioration de la sécurité financière des personnes handicapées en âge de travailler.
La sénatrice Coyle : J’espère obtenir les vrais chiffres.
Pour être admissible à la prestation, une personne doit être admissible au crédit d’impôt pour personnes handicapées. Cependant, de nombreux Canadiens handicapés trouvent que l’accès à ce crédit est restrictif, fastidieux et très chronophage. Certains n’ont même pas de médecin de famille pour signer leur demande. La ministre Hadju a récemment déclaré que le gouvernement est déterminé à améliorer la prestation. Sénateur Moreau, pourriez-vous nous expliquer comment le gouvernement prévoit d’améliorer la prestation afin d’en faciliter l’accès et, espérons-le, d’en porter le montant à un niveau significatif?
(1410)
Le sénateur Moreau : Concernant votre première question, je vais faire de mon mieux pour vous faire parvenir le chiffre exact dès que possible.
On m’a informé que les Canadiens peuvent maintenant présenter une demande en ligne, par téléphone et par téléimprimeur, avec l’aide de Service de relais vidéo du Canada, par la poste et en personne à un bureau de Service Canada ainsi que par l’intermédiaire de services d’entraide et de liaison communautaires. Le gouvernement du Canada reste déterminé à garantir aux personnes handicapées l’obtention d’un soutien significatif pour un accès rapide et fiable à la prestation.
[Français]
La santé
La promotion de l’activité physique
L’honorable Chantal Petitclerc : Sénateur Moreau, permettez-moi d’abord de vous offrir mes bons souhaits et de vous féliciter pour vos nouvelles responsabilités.
Le gouvernement a été clair en affirmant que le budget du 4 novembre prochain contiendra des mesures d’austérité, mais aussi des investissements stratégiques. Or, de très nombreuses organisations qui font la promotion de l’activité physique s’inquiètent beaucoup du fait que cela se traduise par des coupes dans leur financement public fédéral. Encore aujourd’hui, seulement 49 % des adultes et 43 % des jeunes suivent les recommandations quand il s’agit d’activité physique. Cette inactivité coûte près de 4 milliards de dollars. Conviendrez-vous avec moi, sénateur Moreau, qu’investir dans ces organismes, c’est justement un investissement stratégique? Êtes-vous en mesure de rassurer les organisations en leur disant que la santé des Canadiens reste une priorité et qu’elles continueront d’être soutenues?
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour votre question et vos bons mots, sénatrice Petitclerc.
Je crois comprendre que la santé des Canadiens, de façon générale, est au cœur de l’intérêt du gouvernement fédéral, notamment, et des gouvernements provinciaux qui doivent agir dans ce domaine.
En ce qui concerne le budget du 4 novembre, vous comprendrez que je n’y ai pas accès, malheureusement. Je ne peux donc pas dévoiler d’information ayant trait à ce budget. Cependant, je suis convaincu que vos préoccupations sont entendues à l’autre endroit. Pour ma part, je transmettrai assurément vos remarques au ministre concerné lors de la prochaine réunion du Comité des opérations.
La sénatrice Petitclerc : Merci. Si vous en avez la possibilité, pourriez-vous soulever une autre inquiétude de la communauté concernant l’activité physique, qui touche la nature du financement? Historiquement, le financement était pluriannuel, ce qui donnait une plus grande prévisibilité et une meilleure stabilité. Or, on observe maintenant une tendance à limiter les engagements sur une base annuelle, ce qui rend la planification et la capacité d’action très difficiles. ParticipACTION, par exemple, a reçu 5 millions de dollars cette année, mais cette somme est seulement attribuée pour un an. Pourriez-vous transmettre le message selon lequel on souhaiterait revenir à un financement pluriannuel?
Le sénateur Moreau : Je prends l’engagement de transmettre vos demandes au ministre responsable, et je compte sur vous pour me fournir le détail des suggestions que vous avez faites aujourd’hui.
[Traduction]
Les soins de santé pour les femmes
L’honorable Krista Ross : Sénateur Moreau, la semaine prochaine, la IWK Foundation d’Halifax publiera les résultats d’une enquête sur la santé menée auprès de femmes âgées de 18 ans et plus au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et à l’Île-du-Prince-Édouard.
L’enquête porte sur les expériences des femmes en matière de soins de santé dans les Maritimes et a pour objectif d’illustrer les disparités entre les sexes dans le système de santé, où les femmes sont désavantagées. Par exemple, selon l’Association canadienne pour l’équité en santé des femmes, 70 % des patients qui présentent des symptômes médicalement inexpliqués sont des femmes. Forte d’une très grande participation des femmes de toutes les Maritimes, cette enquête est un appel à l’action.
Le gouvernement est-il au courant de cette enquête et a-t-il l’intention de mieux répondre aux besoins des femmes en matière de soins de santé au Canada?
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Avant de répondre à cette question, sénatrice Ross, voici, comme promis, la réponse à votre question d’hier : on m’a informé que la deuxième série de grands projets sera dévoilée en novembre.
En ce qui concerne la question d’aujourd’hui, je ne manquerai pas de porter cette étude à l’attention de la ministre. Le gouvernement continuera de se battre pour une véritable équité pour les femmes en matière de santé et d’accès aux droits fondamentaux.
Le gouvernement s’engage à collaborer avec ses partenaires provinciaux et territoriaux afin d’améliorer et d’accroître la collecte et le partage de données pour que les femmes, où qu’elles se trouvent au pays, n’aient pas à vivre ces disparités en matière de santé. Malheureusement, beaucoup trop de problèmes de santé qui touchent surtout les femmes sont sous-étudiés et sous-traités, ce qui signifie que les femmes ont de la difficulté à obtenir les soins et les traitements dont elles ont besoin. Je porterai votre suggestion à l’attention de la ministre.
La sénatrice Ross : Pour poursuivre dans la même veine, alors que plus de la moitié de la population s’identifie au genre féminin, seulement 6,8 % des fonds nationaux consacrés à la recherche visent expressément la santé des femmes.
Il existe tant de problèmes de santé qui touchent les femmes de manière disproportionnée, comme l’endométriose et la dépression post-partum. Pourtant, les recherches là-dessus sont rares. Dans le budget qui sera présenté le 4 novembre, le gouvernement s’engagera-t-il à allouer des fonds pour combler le déficit considérable en matière de financement de la recherche axée sur la santé des femmes?
Le sénateur Moreau : Comme je l’ai dit à votre collègue tout à l’heure, je ne peux pas commenter le contenu éventuel du budget.
Je peux affirmer que le gouvernement est conscient de la nécessité d’investir dans la collecte de données et de renforcer celle-ci afin de combler les lacunes sur le plan de la santé des femmes au Canada, en particulier dans les sujets trop peu étudiés que sont la ménopause, l’endométriose, la mortalité et la morbidité maternelles, les mortinaissances et la santé maternelle en général.
Comme je l’ai dit, le gouvernement s’engage à collaborer avec ses partenaires provinciaux et territoriaux afin d’aborder ces enjeux liés à la santé des femmes.
Les pêches et les océans
La protection des cétacés
L’honorable Marty Klyne : Sénateur Moreau, le Sénat a été le fer de lance de l’interdiction, par le Canada, de toute nouvelle mise en captivité de baleines ou de dauphins. Néanmoins, 30 bélugas et quatre dauphins demeurent à Marineland, à Niagara Falls, où 20 baleines sont décédées depuis 2019.
Hier, la ministre des Pêches Joanne Thompson a rejeté la demande de Marineland d’exporter les bélugas vers un parc d’attractions de Chine en disant que ce n’est pas dans l’intérêt des baleines et qu’elle ne peut, en toute conscience, approuver leur exportation. Le premier ministre Doug Ford soutient que l’Ontario fera « tout ce qui est nécessaire » pour donner « la meilleure vie possible » aux baleines qu’il reste. Quel leadership inspirant de la part de la ministre fédérale et du premier ministre provincial!
Quelques options existent. Les baleines pourraient être transportées dans un sanctuaire que l’on prévoit aménager en Nouvelle-Écosse mais qui n’a pas encore reçu l’aval du gouvernement provincial. Il y aurait aussi un sanctuaire en Islande. Sinon, on pourrait aussi envisager de leur trouver une place dans les meilleurs aquariums.
Sénateur Moreau, le gouvernement s’engage-t-il à faire preuve de transparence envers les Canadiens et à examiner toutes les options en collaboration avec le premier ministre Ford?
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci, sénateur Klyne. Le gouvernement estime qu’il est inacceptable de garder des baleines en captivité à des fins de divertissement et de reproduction. La décision d’hier est conforme à la Loi sur les pêches, qui interdit l’exportation de baleines dans certaines circonstances précises. Le gouvernement continuera de collaborer avec ses partenaires provinciaux et d’agir dans l’intérêt des bélugas, conformément aux attentes des Canadiens.
Le sénateur Klyne : J’ai une question complémentaire. L’an dernier, les scientifiques Lori Marino, du projet de sanctuaire pour cétacés The Whale Sanctuary Project, et Jake Veasey, de l’organisme Care for the Rare, qui fait la promotion du bien-être des animaux dans la conception des zoos, ont témoigné dans le cadre de l’étude sénatoriale d’un projet de loi du gouvernement visant à protéger les animaux sauvages en captivité.
Ces experts indépendants ont offert aux gouvernements du Canada et de l’Ontario de les conseiller pour les aider à trouver un endroit où les mammifères marins et les ours qu’il reste à Marineland pourraient être déplacés. Le gouvernement va-t-il accepter cette offre?
Le sénateur Moreau : Sénateur Klyne, je vais certainement communiquer l’offre de ces scientifiques à la ministre dès que j’en aurai l’occasion.
La sécurité publique
La réforme de la libération sous caution
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Monsieur le leader du gouvernement, la semaine dernière, la police de Vancouver a émis un avertissement concernant la libération de Randall Hopley, un récidiviste coupable d’enlèvements d’enfants et d’agressions sexuelles, qui, quelques heures après sa dernière libération, avait de nouveau été incarcéré pour avoir enfreint les conditions de sa libération.
Sénateur Moreau, quand des délinquants à haut risque comme M. Hopley enfreignent à plusieurs reprises les conditions de leur libération et continuent de représenter un danger pour nos enfants, pourquoi votre gouvernement les relâche-t-il dans les collectivités du pays? Le gouvernement admettra-t-il enfin que le système de capture et de remise en liberté ne fonctionne pas et s’engagera-t-il à réformer le système de cautionnement afin que la sécurité publique prime sur les droits des récidivistes?
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour votre question. La sécurité collective ne se réduit pas à de simples slogans. Il s’agit d’une responsabilité qui incombe au gouvernement. D’après ce que je vois, le gouvernement prend cette responsabilité très au sérieux.
Le gouvernement s’est engagé à sévir contre les récidivistes violents et il entend renforcer le Code criminel. Il prendra également des mesures énergiques pour protéger les victimes en resserrant les dispositions juridiques sur la mise en liberté sous caution dans les cas de crimes violents et d’affaires liées au crime organisé, d’invasion de domicile, de vols de voitures et de traite des personnes. Je pense que cela répond à votre question.
La sénatrice Martin : Monsieur le leader du gouvernement, les Canadiens sont horrifiés par le flot constant de crimes violents commis par des récidivistes libérés grâce au système défaillant de mise en liberté sous caution mis en place par le gouvernement que vous représentez.
(1420)
Lors d’un symposium réunissant des victimes et des survivants à Mississauga il y a quelques semaines, des familles en deuil et des chefs de police ont de nouveau réclamé une réforme urgente du système de mise en liberté sous caution, mais le gouvernement que vous représentez continue de défendre des politiques irresponsables de capture et de remise en liberté. Pourquoi le gouvernement continue-t-il de faire passer les droits des criminels violents avant la sécurité des familles canadiennes?
Le sénateur Moreau : Je vais répéter la réponse. Le gouvernement prend très au sérieux les problèmes liés aux crimes violents et aux récidivistes. C’est pourquoi le ministre de la Justice a indiqué qu’il souhaitait modifier le Code criminel afin de durcir les lois sur la mise en liberté sous caution et de veiller à ce que les crimes violents soient punis de manière appropriée au Canada.
Je veux donner l’assurance à tous les Canadiens que la priorité du gouvernement est de faire en sorte qu’ils se sentent en sécurité dans leur collectivité.
Le Bureau du Conseil privé
L’accès à l’information
L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) : Monsieur le leader du gouvernement, des rapports récents montrent que, en l’espace de deux ans, la commissaire à l’information a rendu au moins 87 ordonnances au Bureau du Conseil privé, le ministère du premier ministre, mais les retards et les refus continuent.
Le Bureau du Conseil privé est censé représenter la norme en matière d’ouverture. Au lieu de cela, il est devenu un goulot d’étranglement. Pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas réussi à faire en sorte que le Bureau du Conseil privé se conforme à ses propres obligations légales en vertu de la Loi sur l’accès à l’information?
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Je rejette la prémisse de votre question, sénateur Housakos.
Le gouvernement prend très au sérieux la possibilité pour lui de répondre à toute demande d’accès à l’information. Le gouvernement, le Cabinet du premier ministre et le Conseil privé suivent toutes les dispositions de la loi.
Le sénateur Housakos : Monsieur le leader du gouvernement, j’ai l’habitude que vous rejetiez la prémisse de mes questions, mais n’êtes-vous pas d’accord avec la commissaire à l’information? Ce n’est pas le sénateur Housakos, c’est la commissaire à l’information.
Le gouvernement a promis l’ouverture et la transparence, pourtant il est courant que les ministères retardent, caviardent ou rejettent purement et simplement des demandes qu’ils devraient accepter en vertu de la loi que nous avons adoptée dans cette institution. La commissaire elle-même a mentionné que le système est en crise. Comment les Canadiens peuvent-ils se fier à la reddition de comptes du gouvernement alors qu’il est délibérément fait obstruction à l’accès à l’information?
Le sénateur Moreau : Encore une fois, sénateur Housakos, je ne souscris pas à la prémisse de votre question. Le gouvernement est déterminé à respecter la loi. Oui, je répète la réponse. Le gouvernement... Sénateur Carignan, il est difficile de répondre à une question de votre propre collègue si vous posez une question en même temps.
Les services publics et l’approvisionnement
Le processus d’acquisition
L’honorable Tony Loffreda : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. J’ai lu avec beaucoup d’intérêt la proposition du gouvernement Carney visant à mettre en œuvre une nouvelle politique d’achat au Canada pour faire en sorte que le gouvernement fédéral privilégie les achats auprès de fournisseurs canadiens.
Il s’agit là d’une évolution qui est bienvenue et qui est indispensable pour renforcer notre écosystème national de petites et moyennes entreprises. Conçue pour bâtir une économie plus résiliente et mieux protégée contre les perturbations mondiales, cette politique imposera au secteur public des obligations claires en matière de soutien aux industries canadiennes.
Pourriez-vous confirmer si le gouvernement a toujours l’intention de mettre en œuvre ces mesures d’ici novembre?
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci, sénateur Loffreda.
Je crois comprendre que le gouvernement est toujours dans les délais prévus et que la mise en œuvre des mesures devrait commencer en novembre avec le lancement de la politique visant à privilégier les matériaux canadiens. Cette mesure s’ajoute à une politique visant à privilégier les matériaux canadiens dans les marchés publics fédéraux, qui exigera des fournisseurs travaillant sur des contrats de défense et de construction dépassant une certaine valeur d’utiliser de l’acier et du bois d’œuvre canadiens lorsque ces intrants sont requis.
Le sénateur Loffreda : Je vous remercie de votre réponse.
Dans le cadre de la politique d’achat au Canada, le gouvernement a également annoncé la création d’un nouveau programme d’approvisionnement destiné aux petites et moyennes entreprises, qui vise à établir des circuits d’approvisionnement adaptés aux PME et à leur fournir une aide spéciale pour les aider à naviguer dans le système fédéral.
Pourriez-vous préciser quand ce programme devrait être mis en œuvre et quelles mesures en particulier sont prises pour simplifier le processus d’approvisionnement fédéral et éliminer les obstacles de longue date et les inefficacités administratives?
Le sénateur Moreau : Services publics et Approvisionnement Canada prévoit de lancer le programme d’approvisionnement auprès des petites et moyennes entreprises afin d’accélérer et de simplifier l’accès aux marchés publics fédéraux et de commencer la mise en œuvre progressive de mesures visant à donner la priorité aux fournisseurs et au contenu canadiens d’ici décembre 2025.
Les relations Couronne-Autochtones
L’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées
L’honorable Marilou McPhedran : Demain, sur la Colline du Parlement, des femmes autochtones se réuniront pour rendre hommage à leurs sœurs disparues. On posera également des questions sur les mesures qui sont prises pour donner suite à l’enquête sur les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQI+ autochtones portées disparues ou assassinées. Cette enquête a donné lieu à 52 appels à la justice. L’absence de suivi à cet égard suscite de vives inquiétudes.
Ceux d’entre nous qui étaient sur la Colline du Parlement le 30 septembre ont été impressionnés par les propos du premier ministre Carney, qui a terminé son discours en disant à toutes les personnes réunies à l’occasion de la Journée du chandail orange : « Nous ne vous laisserons pas tomber. »
Sénateur Moreau, j’aimerais savoir ce que le gouvernement compte faire pour accélérer la mise en œuvre des 52 appels à la justice et pour se pencher sur...
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Vous avez dit clairement dans votre question que le premier ministre lui-même s’est engagé à faire en sorte que son gouvernement assure un suivi des dossiers autochtones.
En ce qui concerne les femmes et les filles autochtones portées disparues ou assassinées, le gouvernement a dit qu’il faut mettre fin à la violence contre les femmes, les filles, les personnes bispirituelles et les personnes de diverses identités de genre autochtones. Le plan d’action du gouvernement est élaboré en collaboration avec des partenaires autochtones ainsi qu’avec les provinces et les territoires, et des progrès sont réalisés en ce qui concerne les services de première ligne pour les survivants.
Le gouvernement sait que cela n’apporte aucun réconfort aux familles et aux communautés directement affectées par cette situation. Il reste encore beaucoup à faire. Le gouvernement est déterminé à mettre fin à cette violence injustifiée. Les paroles du premier ministre reflètent cet engagement.
La sénatrice McPhedran : Sénateur Moreau, sur ce point, si on impose bel et bien les compressions budgétaires prévues au ministère des Femmes et de l’Égalité des genres, la promesse de mettre en œuvre les appels à l’action ne pourra pas être tenue. Une grande partie du travail qui doit être fait pour mettre en œuvre les 52 appels à la justice doit être accompli par ce ministère.
Le sénateur Moreau : Je répète derechef l’engagement du premier ministre à prendre ces questions au sérieux et celui du gouvernement à collaborer avec les peuples autochtones et la population pour mettre fin à la violence, et à prendre toutes les mesures nécessaires afin d’améliorer la situation des Autochtones et des communautés autochtones.
[Français]
Le logement, l’infrastructure et les collectivités
La pénurie de main-d’œuvre
L’honorable Martine Hébert : Sénateur Moreau, hier, au Comité des finances nationales, nous avons eu la chance de recevoir M. Jimmy Jean, économiste en chef de Desjardins. Nous avons eu notamment l’occasion de discuter de la question de la main-d’œuvre, particulièrement dans le secteur de la construction. Il semblerait que certaines études montrent qu’il pourrait manquer jusqu’à 110 000 travailleurs dans ce secteur d’ici quelques années.
Au moment où l’on sait qu’on aura besoin de milliers de travailleurs dans ce secteur, à la fois pour les grands projets d’infrastructure et pour la construction de logements, pourriez-vous nous dire si le gouvernement a commencé à plancher sur cet important dossier qui risque de compromettre — excusez le jeu de mots — la reconstruction de l’économie canadienne?
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question, sénatrice Hébert.
Vous savez que le gouvernement prend très au sérieux toute la question derrière le projet de loi C-5, le premier que nous avons adopté ici depuis l’accession au pouvoir du nouveau gouvernement et qui vise les grands projets. La réalisation de grands projets requiert nécessairement l’utilisation et le recours à une main-d’œuvre plus importante. Il m’apparaît logique que le gouvernement soit donc très au fait de la nécessité d’obtenir cette main-d’œuvre.
Quoi qu’il en soit, je transmettrai assurément votre question. Je vous en remercie, d’ailleurs, parce que ce n’est pas la première fois que vous intervenez au Sénat sur des questions semblables.
(1430)
Je rapporterai vos propos au ministre responsable afin de faire en sorte que, dans la mise en œuvre des grands projets, la main-d’œuvre soit effectivement au rendez-vous pour que l’on soit en mesure de les réaliser.
La sénatrice Hébert : Merci; je suis ravie de votre réponse. Je connais votre habituelle diligence. Néanmoins, j’aimerais tout de même savoir quand vous comptez en parler aux autorités responsables. Est-ce à court terme? Je pense qu’il s’agit d’un problème auquel il faut s’attaquer dès maintenant.
Le sénateur Moreau : Je vous remercie de votre question. Je vous dirais que mon rôle de représentant du gouvernement au Sénat m’amène à avoir des discussions quotidiennes avec les autorités gouvernementales et que, si le temps le permet, je pourrai le faire dès cet après-midi.
[Traduction]
La défense nationale
Le système d’approvisionnement militaire
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Monsieur le leader, le gouvernement que vous représentez a promis aux Canadiens de faire preuve de transparence à propos des F-35, un achat de 33 milliards de dollars, en s’engageant à publier son rapport d’examen au plus tard le 22 septembre. Cette date limite est passée, mais les Canadiens n’ont toujours pas de nouvelles. Le coût de cet achat a déjà grimpé en flèche, passant de 19 milliards de dollars à près de 28 milliards de dollars, auxquels il faut ajouter plus de 5 milliards de dollars pour les activités courantes.
À un moment où les Canadiens s’attendent à une reddition de comptes sur les finances nationales, pourquoi le gouvernement ne respecte-t-il pas sa promesse et cache-t-il ce rapport?
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Le gouvernement ne cache pas de rapport. Je pense avoir répondu récemment dans cette enceinte à une question sur l’achat de F-35.
L’achat de F-35 fait partie d’un investissement historique dans les Forces armées canadiennes. Le gouvernement fait l’acquisition d’une nouvelle flotte d’avions de chasse pour l’Aviation royale canadienne. Il y a quelques jours, je crois, un de vos collègues a posé une question sur la protection de l’Arctique. Si on veut protéger l’Arctique, il faut répondre aux besoins des Forces armées canadiennes.
Le gouvernement est déterminé à répondre aux besoins de la Force aérienne tout en assurant des retombées économiques pour les Canadiens. Comme je l’ai dit, le gouvernement fera part d’autres mises à jour à mesure qu’elles seront disponibles.
La sénatrice Martin : La date avait été fixée au 22 septembre. Comme vous avez fait référence à la question précédente de notre leader sur la réduction des vols de surveillance dans l’Arctique en raison d’une défaillance de l’équipement, il est d’autant plus important que nous voyions le rapport.
Quand le rapport d’examen tant attendu sur les F-35 sera-t-il publié? C’était ma question. Je sais que vous dites que le gouvernement y travaille, mais la date limite était le 22 septembre.
Comment des milliards de dollars en approvisionnement militaire peuvent-ils susciter la confiance des Canadiens quand ce gouvernement n’est même pas capable de respecter les délais de base et d’assurer la transparence?
Le sénateur Moreau : Le gouvernement examine toutes les approches en matière d’approvisionnement afin de les harmoniser avec les intérêts des Canadiens et les besoins des Forces armées canadiennes.
Je répète que le gouvernement fera part d’autres mises à jour à mesure qu’elles seront disponibles. C’est l’engagement que nous avons pris, et c’est ce que nous allons faire.
ORDRE DU JOUR
Les travaux du Sénat
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’ordre adopté le 4 juin 2025, je souhaite aviser le Sénat que la période des questions avec l’honorable Stephanie McLean, députée, secrétaire d’État (Aînés), aura lieu le mardi 7 octobre 2025, à 14 h 45.
L’ajournement
Adoption de la motion
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 1er octobre 2025, propose :
Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 7 octobre 2025, à 14 heures.
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
Le Code criminel
Projet de loi modificatif—Troisième lecture
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Boyer, appuyée par l’honorable sénatrice Sorensen, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-228, Loi modifiant le Code criminel (actes de stérilisation).
L’honorable Paula Simons : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi S-228, Loi modifiant le Code criminel (actes de stérilisation).
Ce discours n’est pas facile à prononcer pour moi. Nous venons de célébrer la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, qui va au-delà des chandails orange et même au-delà du souvenir de ceux qui ont survécu aux pensionnats et de ceux qui n’y ont pas survécu. Elle est censée révéler la vérité sur les générations de violence et de traumatismes infligés aux Premières Nations, aux Inuits et aux Métis canadiens. Il s’agit d’accepter cette vérité et de trouver des moyens concrets, ici et maintenant, de réparer les torts causés et de démanteler les structures de racisme et d’oppression systémiques qui persistent aujourd’hui, malgré toutes nos reconnaissances territoriales, tous nos chandails aux couleurs vives et toutes nos promesses.
Une partie de ce processus de réconciliation consiste à reconnaître les mauvais traitements dont les Autochtones canadiens ont été victimes et continuent d’être victimes dans le système médical, y compris — même s’ils sont certainement loin d’être les seuls — les mauvais traitements liés aux soins génésiques.
Il m’est impossible d’entamer l’analyse du projet de loi S-228 sans rendre hommage au leadership exceptionnel, visionnaire et courageux de notre amie et collègue, la sénatrice Yvonne Boyer, qui a consacré une part importante de sa carrière à dénoncer les cas de femmes autochtones, racisées ou vulnérables qui ont été stérilisées contre leur gré ou sans que l’on ait obtenu leur plein consentement éclairé. Dans le cadre de ce travail, elle a mobilisé son savoir et son expérience professionnelle, notamment comme infirmière en salle d’opération, avocate, enquêtrice, et comme personne animée d’une réelle volonté d’écoute. Elle a su gagner la confiance des femmes autochtones de partout au pays, leur offrant un espace sécuritaire pour exprimer, souvent pour la première fois, leur sentiment de douleur, de trahison et de perte.
Son courage, sa patience, sa compassion et sa détermination devraient nous inspirer et nous rappeler l’importance de l’humilité. Le projet de loi S-228 n’est pas un projet de loi ordinaire. Il est porteur d’un engagement profond, celui qu’elle a pris envers ces femmes, de leur rendre justice et de veiller à la protection de toutes celles qui viendront après elles.
Je tiens également à remercier la sénatrice Gerba, qui a eu la générosité de nous parler de sa douloureuse expérience personnelle, en évoquant avec force et émotion le racisme et la misogynie qu’elle a vécus, et la stérilisation qu’elle a subie sans y avoir consenti et à son insu.
Comment puis-je alors trouver le courage de soulever des préoccupations au sujet de ce projet de loi, car, je l’avoue, je me sens vraiment mal à l’aise de prendre la parole et de ralentir, même brièvement, l’excellent travail que la sénatrice Boyer souhaite faire grâce à ce projet de loi.
En fin de compte, j’ai décidé que je devais prendre la parole avant le vote, car je tiens à vous faire part de certaines préoccupations soulevées par des juristes et des experts médicaux au sujet de ce projet de loi. Bien que son objectif soit extrêmement louable, ce projet de loi pourrait avoir des conséquences imprévues pour des milliers de Canadiens, notamment les femmes autochtones qui souhaitent faire leurs propres choix en matière d’autonomie reproductive.
Le projet de loi S-228 semble assez simple. Il définit ainsi tout acte de stérilisation :
[...] s’entend du sectionnement, de l’occlusion, de la ligature ou de la cautérisation de l’ensemble ou d’une partie des trompes de Fallope, des ovaires ou de l’utérus d’une personne ou de tout autre acte exécuté sur une personne qui a pour effet d’empêcher la procréation de façon définitive [...]
Par ailleurs, tout acte de stérilisation est reconnu comme une forme de voie de fait grave passible d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 14 ans.
À la lecture de l’article 268 du Code criminel, que le projet de loi S-228 vise à modifier, on pourrait supposer que toutes les procédures de stérilisation sont illégales, même si la personne y consent ou, concrètement, en fait la demande. Toutefois, cette modification doit être interprétée en tenant compte d’un autre article du Code criminel, soit l’article 45, qui est libellé ainsi :
Toute personne est à l’abri de responsabilité pénale lorsqu’elle pratique sur une autre, pour le bien de cette dernière, une opération chirurgicale si, à la fois :
a) l’opération est pratiquée avec des soins et une habileté raisonnables;
b) il est raisonnable de pratiquer l’opération, étant donné l’état de santé de la personne au moment de l’opération et toutes les autres circonstances de l’espèce.
On pourrait croire que cet article protège de toute responsabilité pénale tout chirurgien ou autre professionnel de la santé qui pratique une stérilisation de bonne foi ou dans une situation d’urgence médicale. Pourtant, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a entendu des témoins experts, tant sous forme de témoignages que de mémoires, qui ont soulevé de sérieuses préoccupations, notamment au sujet des effets dissuasifs que le projet de loi S-228 pourrait avoir sur la capacité des Canadiens à obtenir des soins liés à la reproduction ou à l’affirmation de genre.
L’Association nationale Femmes et Droit l’a formulé ainsi dans son récent mémoire adressé au comité des affaires juridiques :
L’un des aspects les plus dangereux du projet de loi S-228 est qu’il fait passer la stérilisation du domaine des soins de santé à celui du droit criminel. Tout comme l’avortement, la stérilisation permanente (lorsqu’elle est pratiquée avec le consentement de la personne intéressée) est un soin de santé et doit être réglementée en tant que tel. Dès que la stérilisation tombe sous le coup du droit criminel, il devient plus facile d’en restreindre l’accès.
(1440)
J’ai peut-être lu trop souvent La Servante écarlate, mais je crains qu’à l’avenir, un autre gouvernement utilise ces dispositions pour commencer à empêcher des femmes et des hommes d’obtenir ces soins et de disposer de leur corps comme ils l’entendent, en matière de reproduction.
À court terme, l’association soulève également la crainte, que je partage, que certains médecins cessent tout simplement d’offrir de tels soins par crainte de faire l’objet de poursuites judiciaires, voire d’une simple enquête. De plus, selon l’association, le texte du projet de loi pourrait vouloir dire que les femmes les plus vulnérables seront les moins susceptibles d’obtenir les soins dont elles ont besoin et qu’elles désirent.
Permettez-moi de citer de nouveau le mémoire présenté en septembre par l’association :
Le renforcement potentiel du paternalisme et du sexisme dans les soins de santé par le projet de loi S-228 est une préoccupation connexe. Par exemple, les médecins peuvent ne pas prendre au pied de la lettre le consentement d’une femme à une stérilisation permanente et exiger la présence de témoins ou de multiples affirmations verbales et écrites. Cela ne tient pas compte du fait que certaines femmes victimes de violences familiales, en particulier celles qui subissent des contraintes en matière de procréation, peuvent souhaiter subir une stérilisation permanente sans en informer leur partenaire ou leur famille. On pourrait également considérer cette décision comme un jugement de valeur qui décourage les femmes d’accéder à ce type de soins.
Paradoxalement, ce sont les femmes autochtones, immigrantes et victimes de violence conjugale qui risquent d’être les plus touchées par le projet de loi S-228.
Dans quelle mesure ce projet de loi rendra-t-il plus difficile l’accès, dans des délais raisonnables, à la ligature des trompes ou à l’hystérectomie pour une femme des Premières Nations, une Métisse, une Inuite ou une femme de couleur qui souhaite sincèrement subir une telle intervention chirurgicale?
Dans son mémoire, l’Association nationale Femmes et Droit a également soulevé une préoccupation qu’aucun témoin, hélas, n’a soulevée lors de nos audiences sur le projet de loi. L’article 45 du Code criminel, note-t-elle, ne protège que les personnes qui pratiquent des interventions chirurgicales, et non les médecins administrant des traitements qui pourraient avoir comme effet secondaire la stérilisation.
L’association nous signale aussi que certains médicaments, comme la chimiothérapie et l’hormonothérapie, peuvent entraîner la stérilité plus tard dans la vie et qu’il est possible que les médecins hésitent à prescrire de tels traitements par crainte de poursuites ultérieures.
Cela m’amène à parler d’une autre préoccupation que suscite le projet de loi, à savoir les conséquences imprévues qu’il pourrait avoir sur les soins d’affirmation de genre pour les patients trans. Permettez-moi de citer de nouveau le mémoire de l’association :
Les militants anti-trans évoquent souvent la perte de la fertilité comme une raison essentielle pour refuser aux mineurs des soins d’affirmation de genre, les décrivant comme une mutilation. En outre, ils utilisent la rhétorique d’un soi-disant « programme transgenre » pour laisser entendre que les parents et les médecins contraignent les enfants et les adultes à devenir transgenres ou font pression sur eux pour qu’ils le deviennent.
Dans ce contexte, le projet de loi S-228 pourrait permettre aux gouvernements, en particulier dans les provinces qui tentent déjà de restreindre l’accès aux soins d’affirmation de genre, de poursuivre les médecins en affirmant que les soins d’affirmation du genre équivalent à une stérilisation forcée ou contrainte. Même si ces poursuites n’aboutissent pas, elles pourraient avoir un effet dissuasif, car moins de médecins offrent ce type de soins en raison du risque de poursuites.
En tant que sénatrice de l’Alberta, je peux dire qu’il s’agit d’une préoccupation parfaitement légitime en cette époque où ma propre province envisage d’invoquer la disposition de dérogation pour priver les Albertains transgenres des leurs droits garantis par la Charte. Comment le projet de loi S-228 pourrait-il être utilisé comme une arme pour porter atteinte aux droits à la santé et à la vie privée de certaines personnes dans des provinces comme l’Alberta? Je trouve extrêmement regrettable que le comité n’ait jamais entendu de témoins issus de la communauté transgenre, ni lors des audiences sur le projet de loi S-228, ni pendant celles sur son prédécesseur, le projet de loi S-250.
Toutefois, l’Association nationale Femmes et Droit n’était pas la seule à exprimer des inquiétudes au sujet de ce projet de loi. Nous avons également entendu les témoignages passionnés de médecins, notamment ceux de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada. La semaine dernière, la présidente de la société, la Dre Lynn Murphy-Kaulbeck, nous a dit ceci lorsqu’elle s’est adressée au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles :
Nous nous inquiétons toutefois de la façon dont ce projet de loi sera interprété et appliqué dans des contextes cliniques réels. L’obstétrique et la gynécologie sont des domaines où les enjeux sont considérables et où les urgences peuvent survenir en quelques minutes. Au milieu d’une hémorragie massive ou de la rupture d’une grossesse extra-utérine, les médecins ne peuvent pas s’arrêter pour analyser les fines distinctions de la loi. Leur priorité doit être de sauver la vie de la patiente.
S’il y a ne serait-ce que la perception que les gestes posés pour sauver la patiente pourraient plus tard être considérés comme une infraction criminelle potentielle, on risque vraiment que les soignants hésitent, ce qui aura des conséquences directes pour la patiente, qui risque de perdre de précieuses minutes de soins.
La Dre Murphy-Kaulbeck a comparé les risques potentiels du projet de loi S-228 aux conséquences désastreuses de la criminalisation de l’avortement dans plusieurs États américains à la suite de l’annulation de l’arrêt Roe c. Wade par la Cour suprême des États-Unis. Dans ces États, des médecins ont laissé des femmes souffrir et même mourir dans la salle d’accouchement, de peur de violer les dispositions de la loi.
La Dre Murphy-Kaulbeck craint que les médecins n’hésitent à prendre des mesures immédiates pour sauver une vie, de peur de faire l’objet d’une enquête criminelle. Elle a dit ceci :
Nous avons déjà constaté cet effet dissuasif aux États-Unis, où l’incertitude juridique entourant les lois sur la santé reproductive a conduit certains médecins à retarder ou à refuser des traitements urgents par crainte de poursuites judiciaires. Ces situations ont entraîné des décès évitables chez des femmes aux États-Unis. Si les médecins canadiens commencent à se demander s’ils risquent jusqu’à 14 ans de prison pour avoir prodigué des soins d’urgence à une femme dont la vie est en danger, les conséquences pourraient être tout aussi graves ici.
La Dre Diane Francœur, directrice générale de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada, a donné un exemple concret de ce qui peut se passer dans une salle d’accouchement en situation de crise lorsqu’une femme qui ne parle pas anglais a besoin de soins urgents et que les médecins ont du mal à lui expliquer la situation et à obtenir son consentement. Je vais m’efforcer de citer le témoignage de la Dre Francœur en français, car nous ne disposons pas encore d’une traduction officielle.
[Français]
Et je cite :
Dans une situation d’urgence, on ne peut pas toujours obtenir un consentement éclairé. Je vous cite l’exemple d’une situation clinique qui m’est arrivée l’année dernière. Une nouvelle immigrante arrivée de l’Inde parlait une langue ancienne qui ressemblait à du pendjabi. Nous avons tenté en vain de trouver des interprètes. Elle était en travail préterme prématuré. J’étais incapable de couper le ventre d’une personne sans être certaine qu’elle comprenait ce que j’allais faire. On a finalement réussi à trouver une interprète à Vancouver. Tout le monde a sauté sur le téléphone pour au moins pouvoir lui dire ce qui se passait. Son bébé était prématuré, elle avait un décollement placentaire et elle saignait. Sa condition posait pour elle plein de risques.
[Traduction]
Dans ce cas, la Dre Francœur a déployé des efforts extraordinaires pour obtenir le consentement de la patiente. Mais que serait-il advenu si elle avait dû agir sans l’obtenir? Dans une situation où il s’agit de vie ou de mort, nous ne voulons certainement pas que les médecins soient paralysés par l’indécision, mettant ainsi en danger la santé, voire la vie, d’une mère ou d’un enfant.
Les dommages causés par la stérilisation forcée, la douleur qu’elle provoque, sont réels et profonds, tout comme le racisme, le classisme, le capacitisme et la misogynie qui permettent qu’elle se poursuive.
Mais criminaliser une procédure médicale de base dont des dizaines de milliers de femmes ont besoin chaque année est une manière très brutale et radicale de résoudre un profond malaise social qui tient davantage au pouvoir, aux préjugés et à l’ignorance qu’à l’intention criminelle nécessaire pour justifier une condamnation criminelle.
J’ai présenté quelques scénarios catastrophes qui se produiraient si on commençait à poursuivre les médecins en justice. Mais il existe un autre scénario dans lequel le projet de loi serait inefficace, car aucune accusation ne serait portée, les procureurs de la Couronne ne voyant aucune probabilité raisonnable d’obtenir une condamnation. Dans ce cas, qu’aurons-nous fait pour traiter les causes sous-jacentes qui mènent à ces abus?
Je cite de nouveau le témoignage de la Dre Murphy-Kaulbeck au comité la semaine dernière :
Si nous allons de l’avant avec la criminalisation — et c’est notre moyen d’action —, mais que nous ne mettons rien d’autre en place, je pense que nous aurons déçu tout le monde. Il faut vraiment que nous réglions toutes les questions dont nous avons parlé au cours du processus de vérité et de réconciliation. Si nous créons une infraction criminelle et que nous en restons là, nous n’aurons rien réglé. Nous en sommes toujours au stade où nous n’avons pas vraiment parlé de la réparation de ces torts. Comment travailler avec les groupes autochtones, les groupes marginalisés, toutes les femmes et les gens, et comment déterminer la façon de remédier à cette situation? La criminalisation ne changera la donne que dans de rares cas; elle ne règle pas le problème systémique.
Je ne saurais mieux dire.
Je tiens à remercier la sénatrice Boyer, la sénatrice Gerba, le sénateur Wells ainsi que tous les membres anciens et actuels du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, qui ont travaillé sans ménager leurs efforts sur cet important projet de loi. Je tiens à remercier tous les sénateurs de m’avoir donné l’occasion de faire part de ces préoccupations pour qu’elles figurent au compte rendu. Hiy hiy.
L’honorable Yvonne Boyer : La sénatrice Simons accepterait-elle de répondre à une question?
La sénatrice Simons : Oui.
La sénatrice Boyer : Je vous remercie. Ce projet de loi ne porte que sur la stérilisation sans consentement donné librement et en connaissance de cause. Si un patient fait la demande et qu’un consentement valide est obtenu, les médecins n’ont rien à craindre, parce que l’article 45 continue à protéger les médecins qui agissent de bonne foi en cas d’urgence. C’est une des raisons principales pour lesquelles le comité a modifié et simplifié le projet de loi lors de la dernière législature, pour que les soins volontaires et d’urgence restent entièrement protégés.
(1450)
Donc, la stérilisation sans consentement est déjà considérée comme une infraction criminelle dans le Code criminel, plus précisément dans ses dispositions...
Son Honneur le Président intérimaire : Sénatrice Boyer, je suis désolé, mais le temps de parole qui vous était alloué est écoulé. Demandez-vous plus de temps pour écouter la question et y répondre?
La sénatrice Simons : Oui, si possible.
Son Honneur le Président intérimaire : Est-ce d’accord?
Des voix : D’accord.
La sénatrice Boyer : Merci.
Nous savons que la stérilisation sans consentement est déjà considérée comme une infraction criminelle dans le Code criminel, plus précisément dans ses dispositions relatives aux voies de fait, ainsi que dans les lois provinciales. Nous savons qu’il y a eu un problème.
Je veux vous poser la question suivante, sénatrice Simons : pourquoi n’a-t-on pas mis fin à toutes ces stérilisations? Je sais que, lorsque le projet de loi sera adopté, le Cercle des survivants pour la justice reproductive travaillera avec les associations médicales, les médecins, les professionnels de la santé et les hôpitaux afin de donner suite à certaines des recommandations de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada, ce qui — du moins, je l’espère — garantira que nous n’aurons plus jamais à porter d’accusations pour stérilisation forcée. Nous devons nous pencher sur les aspects sociaux de la question. Je ne veux pas que des médecins soient accusés de se livrer à une telle pratique. Je veux que cette pratique disparaisse.
Pourquoi y a-t-il encore des stérilisations sans consentement lorsqu’elles sont considérées comme une infraction au Code criminel?
La sénatrice Simons : La réponse à cette question comporte deux volets. La stérilisation existe toujours parce que de nombreuses femmes y ont recours, question d’exercer une autonomie sur leur corps en matière de procréation. Je crains que nous ne créions une situation dans laquelle les femmes qui ont besoin d’une hystérectomie ou qui souhaitent subir une ligature des trompes, les personnes qui recherchent des soins d’affirmation de genre ou les hommes qui souhaitent subir une vasectomie n’y auront pas accès, parce que nous aurons créé une situation qui aura un effet dissuasif et dans laquelle les médecins craindront sincèrement de s’exposer à des poursuites judiciaires.
Pour répondre à ce que je pense être votre question sous-jacente, à savoir pourquoi la maltraitance persiste, c’est parce que le racisme, le classisme et le capacitisme sont toujours présents dans notre société et que notre système de santé est profondément imprégné d’une culture misogyne, malgré le fait qu’un très grand nombre de médecins sont désormais des femmes.
Je suis tout à fait d’accord avec la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada : il nous faut des discussions, une meilleure formation dans les facultés de médecine et de mesures plus efficaces de la part des collèges de médecins et de chirurgiens afin que les médecins qui commettent des voies de fait perdent leur permis et fassent l’objet d’une enquête en bonne et due forme. Il existe des conséquences qui ne sont pas nécessairement l’emprisonnement pour des actes graves qui constituent des voies de fait et des fautes professionnelles.
La sénatrice Boyer : Si toutes ces mesures étaient en place, les femmes ne seraient pas stérilisées contre leur gré de nos jours. Merci.
La sénatrice Simons : Comme je l’ai dit, il y a des milliers de femmes qui veulent être stérilisées. Si vous voulez un monde où les femmes n’ont pas accès à cette procédure, je ne souhaite pas vivre dans un tel monde. Si vous parlez des femmes qui sont stérilisées contre leur gré ou sans leur consentement donné en toute connaissance de cause, les raisons sont évidentes, mais elles sont liées aux choses que j’ai mentionnées : la misogynie, le racisme systémique, le classisme systémique, le capacitisme systémique, les mauvaises pratiques d’enseignement dans les facultés de médecine et l’incapacité des collèges de médecins et de chirurgiens à faire appliquer les règles.
Ce qu’il faut en réalité, c’est respecter l’autonomie de toutes les femmes en matière de procréation.
La sénatrice Boyer : Tout ce que j’aimerais dire, c’est que ce projet de loi ne vise que les stérilisations effectuées sans consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Merci beaucoup.
[Français]
Son Honneur le Président intérimaire : Le temps alloué à votre intervention est expiré.
[Traduction]
D’autres sénateurs ont-ils des questions? Si vous avez des questions, il nous faut plus de temps.
Êtes-vous d’accord pour accorder plus de temps à la sénatrice Simons afin qu’elle puisse répondre à vos questions?
Des voix : D’accord.
[Français]
Son Honneur le Président intérimaire : Êtes-vous prête à recevoir d’autres questions?
La sénatrice Simons : Oui, si la Chambre est d’accord.
[Traduction]
L’honorable David M. Wells : Votre Honneur, je n’ai pas de question, mais j’aimerais savoir combien de temps supplémentaire serait accordé. Parle-t-on d’une question, de cinq minutes ou d’un temps de parole indéterminé?
Son Honneur le Président intérimaire : Il y aura deux questions, soit une question du sénateur K. Wells et une autre du sénateur Dalphond.
[Français]
Est-ce que la sénatrice Simons est d’accord pour répondre à des questions?
La sénatrice Simons : Oui, s’il reste assez de temps. Je ne veux pas accaparer tout le temps.
Son Honneur le Président intérimaire : Êtes-vous d’accord, sénateurs?
[Traduction]
Des voix : D’accord.
L’honorable Kristopher Wells : Je tiens à remercier mon honorable collègue d’être une alliée et de toujours le démontrer admirablement. Je sais qu’elle se joindra à moi pour remercier la sénatrice Boyer de sa défense de cette cause.
En ce qui concerne les travaux qui ont mené à ce projet de loi, nous savons que la sénatrice Boyer a beaucoup consulté et qu’elle a peaufiné son approche relativement à cette politique de manière à ce que la mesure législative qu’elle propose protège les personnes contre la stérilisation non consentie, tout en évitant la conséquence indésirable de restreindre des services importants comme les soins liés à l’affirmation de genre. À mon avis, ce projet de loi établit un juste équilibre.
Ma collègue ne convient-elle pas que la différence réside dans le consentement éclairé? Par exemple, dans le cas des soins liés à l’affirmation de genre, il y a un consentement éclairé. Dans les situations visées par le projet de loi de la sénatrice Boyer, le consentement éclairé est absent. N’est-ce pas l’élément clé?
La sénatrice Simons : Je pense que la réponse à cette question comporte deux volets. Premièrement, de nombreux médecins pourraient décider de ne pas courir un risque supplémentaire. Si un médecin songe à fournir des soins liés à l’affirmation de genre — en passant, un très petit nombre de médecins offrent ce type de soins —, le risque pourrait refroidir son élan. Nous avons tous pu ressentir le froid ce matin. C’est ainsi que naît une préoccupation, même si elle n’est peut-être pas fondée sur des faits. Ce médecin ne s’exposerait peut-être pas à un danger réel de faire l’objet d’une enquête et d’être poursuivi et condamné. Néanmoins, face à la décision d’exécuter ou non une intervention difficile dans le cadre de sa pratique professionnelle, le fait pour un médecin de savoir qu’il risque d’être poursuivi influencera certainement sa décision de continuer ou non d’offrir ce type d’intervention médicale.
Deuxièmement, dans le mémoire de l’Association nationale Femmes et Droit, une préoccupation distincte est soulevée, à savoir qu’un gouvernement provincial pourrait utiliser cette loi comme une arme et poursuivre des médecins, même si un patient a donné son consentement. Prenons le cas d’une patiente de 17 ans. Le gouvernement pourrait soutenir qu’elle n’était pas en mesure de donner son consentement ou que les parents ont donné leur consentement alors qu’ils n’auraient pas dû le faire. L’Association nationale Femmes et Droit s’inquiète de voir une province dont les politiques seraient contraires aux droits des transgenres invoquer une loi adoptée avec de bonnes intentions et la détourner à ses propres fins.
L’honorable Pierre J. Dalphond : Acceptez-vous de répondre à une autre question?
La sénatrice Simons : Oui.
Le sénateur Dalphond : Ai-je raison de penser que le projet de loi est identique à celui qui a été adopté à l’unanimité avant la prorogation et renvoyé à la Chambre des communes? Si ma mémoire est bonne, la sénatrice Boyer a accepté d’apporter des modifications, après que certains témoins ont soulevé les préoccupations que vous avez mentionnées. Nous avons reçu l’aide du ministère de la Justice pour remanier le projet de loi. La version amendée a ensuite été acceptée par le comité parce qu’elle correspondait exactement à la solution préconisée par le ministère de la Justice pour tenir compte des préoccupations que vous soulevez.
Dois-je comprendre que le projet de loi est maintenant différent de ce qu’il était avant la prorogation?
La sénatrice Simons : Non, sénateur Dalphond, vous avez tout à fait raison. Vous vous souvenez parfaitement des faits : c’est bien le cas.
J’ai décidé de prendre la parole parce que, cette fois-ci, des témoins qui n’avaient pas eu l’occasion de témoigner sur le projet de loi tel qu’il a été amendé ont été appelés à comparaître. Ils avaient témoigné sur la portée du projet de loi initial. Nous les avons rappelés, et ils ont déclaré que, même si le projet de loi a été considérablement amélioré, leurs préoccupations demeuraient.
Il m’a été difficile de me résoudre à prendre la parole à ce sujet aujourd’hui, car j’ai un profond respect pour la sénatrice Boyer et l’ensemble de son travail.
(1500)
Néanmoins, en tant que personne qui a consacré sa carrière à défendre le droit à la santé génésique des femmes, j’ai estimé qu’il était important, avant de voter, que le Sénat ait accès à certains témoignages que nous avons entendus au comité et à certains extraits de mémoires que nous avons reçus. Ainsi, les sénateurs qui n’ont pas eu accès à tous les témoignages sur ce projet de loi et son prédécesseur auront l’occasion d’entendre dire qu’il existe des organismes très respectés qui s’opposent à la stérilisation forcée de femmes, mais qui, néanmoins, soulèvent des préoccupations importantes et, je pense, légitimes, que je voulais consigner au compte rendu pour nous tous aujourd’hui.
L’honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, j’avais une question plus tôt, mais je me suis ensuite rendu compte qu’en tant que porte-parole du projet de loi, je disposais de 45 minutes pour parler à ma guise. Je tiens toutefois à vous rassurer : je ne prendrai pas 45 minutes.
J’aimerais d’abord faire quelques observations au sujet des interventions du sénateur Wells (Alberta) et de mes collègues d’en face.
La mesure proposée porte sur le consentement éclairé. Elle ne porte pas sur les procédures d’urgence comme il y en a souvent dans les hôpitaux et qui n’étaient pas prévues. On parle plutôt de consentement éclairé, donc de situations où il a été possible de communiquer des connaissances et de réfléchir. Ce n’est pas toujours le cas lorsque survient une urgence, de toute évidence. Je crois que la loi offrirait évidemment une certaine souplesse dans ce genre de situation.
Deuxièmement, quand j’ai commencé à travailler sur cet enjeu — ce n’était pas avec la sénatrice Boyer. Je ne suis pas du même calibre. Il y a quelques années, je siégeais au Comité des droits de la personne quand nous avons abordé cet enjeu. Comme d’autres collègues me l’ont déjà entendu dire, je ne prévoyais même pas me familiariser avec le sujet, mais la sénatrice Boyer m’a fait découvrir, tout d’abord, que cela se produisait encore, ce qui m’a consterné. Je croyais que l’étude du Comité des droits de la personne porterait sur des vestiges du passé. Quand j’ai appris qu’il y avait plus de 12 000 cas documentés, qui touchaient notamment des collègues du Sénat, l’enjeu a pris plus d’importance qu’il n’en aurait pris normalement pour moi.
Je vous remercie de tout ce que vous avez fait, sénatrice Boyer.
Honorables sénateurs, je prends la parole à l’étape de la troisième lecture du projet de loi S-228. Comme l’a précisé le sénateur Dalphond, il s’agit du même projet de loi qui a franchi l’étape de la troisième lecture au Sénat et qui a été renvoyé à la Chambre à la législature précédente, c’est-à-dire le projet de loi S-250, dont la prorogation du Parlement a entraîné la mort au Feuilleton.
Il convient de noter que le Sénat a examiné ce projet de loi en profondeur plus d’une fois. Nous l’avons étudié deux fois à l’étape de la deuxième lecture et deux fois en comité. Il a été amendé par sa marraine, la sénatrice Boyer, après mûre réflexion et sur les conseils de ses collègues et des témoins.
Comme l’a expliqué la sénatrice Boyer dans son témoignage devant le comité la semaine dernière :
À la législature précédente, après avoir entendu mes collègues du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, les experts du ministère, des survivantes, des associations médicales, des sages-femmes autochtones et des juristes, il m’a semblé évident que les sénateurs comme les témoins étaient préoccupés par la large portée de la version originale du projet de loi S-250 et le risque de conséquences non voulues.
Bien entendu, chers collègues, dans cette Chambre de second examen objectif, nous tentons d’anticiper toutes les éventualités et de formuler les projets de loi de manière à réduire le risque de conséquences non voulues.
La sénatrice Boyer a poursuivi en disant :
Après avoir entendu ces préoccupations, j’ai consulté le ministre de la Justice et son ministère afin d’élaborer un amendement qui simplifie considérablement le projet de loi tout en conservant son objectif principal, à savoir préciser clairement dans le Code criminel que la stérilisation d’une personne sans son consentement constitue des voies de fait graves au sens du paragraphe 268(1).
Cet amendement a été adopté à l’unanimité par le comité des affaires juridiques le 19 septembre 2024.
Je tiens à remercier encore une fois la sénatrice Boyer pour sa persévérance, son dévouement et les enseignements qu’elle nous a tous prodigués en défendant ce projet de loi, et surtout pour avoir donné une voix à ceux qui n’en ont pas. Elle incarne notre rôle : défendre les voix des minorités au pays. C’est notre tâche la plus importante, et l’une des principales raisons pour lesquelles le Sénat a été créé. La sénatrice Boyer est une source d’inspiration pour nous tous.
J’ai été encouragé d’apprendre que bon nombre des victimes de stérilisation forcée avaient suivi nos travaux, ce qui est rare. Je suis heureux qu’elles n’aient pas eu à revivre l’épreuve de témoigner cette fois-ci.
Chers collègues, lors de l’étude initiale que nous avons menée au Comité des droits de la personne, certains témoins ont choisi de ne pas divulguer leur nom, d’autres ont choisi l’anonymat d’une vague silhouette. C’est une situation difficile dans le meilleur des cas, et elle devient encore plus difficile à revivre quand les caméras du monde entier sont braquées sur vous. Je remercie les membres du comité d’avoir épargné ce fardeau aux témoins et d’avoir fait avancer le projet de loi rapidement.
J’ai souvent parlé du risque de conséquences imprévues que posent les projets de loi. C’est pourquoi je remercie la sénatrice Boyer d’avoir tenu compte de cette préoccupation dans la version amendée du projet de loi. Elle a écouté les témoins, les sénateurs, le milieu médical et les avocats du gouvernement. Le résultat est un projet de loi dont la portée est plus restreinte que la version originale. Il ne modifie pas le Code criminel, mais il précise clairement et explicitement que la stérilisation sans consentement constitue une voie de fait grave. Cela a toujours été le cas, mais, maintenant, la loi ne laisse planer aucun doute.
Je tiens également à vous mettre en garde, chers collègues : si nous décidons de ne pas adopter ce projet de loi au Sénat et de le renvoyer à l’autre endroit, quel message cela enverra-t-il aux médecins du pays?
Maintenant, personne ne peut prévoir toutes les conséquences inattendues d’un projet de loi. Leur caractère inattendu est souvent dû au fait qu’elles sont imprévisibles, c’est pourquoi légiférer et élaborer des lois est un processus continu et non une destination en soi. C’est une autre raison pour laquelle l’institution du Sénat existe : examiner les projets de loi qui, presque invariablement, modifient les lois existantes, lesquelles doivent être modifiées souvent, mais pas toujours de manière évidente, en raison de conséquences inattendues ou de nouvelles circonstances. C’est d’ailleurs le cas ici.
Honorables sénateurs, dans le cas présent, je peux accepter la possibilité de conséquences inattendues lointaines ou improbables. La recherche de la perfection finit par devenir l’ennemie du bien. Que les détracteurs du projet de loi suggèrent qu’il pourrait avoir un effet dissuasif sur certains professionnels de la santé est pour moi une bonne nouvelle. Parfois, un effet dissuasif sur ce que certains considèrent comme normal est exactement ce qu’il faut.
Sur ce, chers collègues, si personne n’a de questions à me poser, j’aimerais mettre ce projet de loi aux voix.
Son Honneur le Président intérimaire : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)
[Français]
La Gore Mutual Insurance Company
Projet de loi d’intérêt privé—Troisième lecture
L’honorable Tony Loffreda propose que le projet de loi S-1001, Loi autorisant la Gore Mutual Insurance Company à demander sa prorogation en tant que personne morale régie par les lois de la province de Québec, soit lu pour la troisième fois.
— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi S-1001, Loi autorisant la Gore Mutual Insurance Company à demander sa prorogation en tant que personne morale régie par les lois de la province de Québec.
Je tiens à remercier mes collègues du Comité sénatorial des banques, du commerce et de l’économie, et notre président, le sénateur Gignac, d’avoir si aimablement accepté d’étudier ce projet de loi dès notre retour la semaine dernière.
Nous avons eu une excellente rencontre durant laquelle les témoins ont dû répondre à des questions très pertinentes et pointues de la part de nos collègues.
Comme vous le savez, c’est en janvier 2025 que la Gore Mutual, l’une des plus anciennes mutuelles d’assurance du Canada, et Beneva, la plus grande mutuelle d’assurance au Canada, ont annoncé leur intention de combiner leurs activités afin de stimuler leur croissance future.
Je ne répéterai pas ce que j’ai dit lors de mon intervention à l’étape de la deuxième lecture. Je vous rappellerai tout simplement que le projet de loi S-1001 est un rare projet de loi d’intérêt privé du Sénat, contrairement aux projets de loi d’intérêt public qui se font nombreux au Feuilleton.
Celui-ci permettrait à la Gore Mutual de demeurer assujettie à la loi québécoise dans le cadre de son projet de fusion avec Beneva. Contrairement aux projets de loi d’intérêt public, les projets de loi d’intérêt privé accordent des pouvoirs juridiques précis à un groupe ou à une organisation.
(1510)
Dans le cas qui nous concerne, il est question ici de faciliter la fusion de deux mutuelles d’assurance qui existent depuis de nombreuses années. Gore Mutual, constituée à l’origine par une loi fédérale en 1937, demande l’abrogation des lois qui la régissent pour réaliser cette transition.
[Traduction]
Honorables collègues, je suis convaincu que nous sommes tous d’accord pour dire que la collaboration interprovinciale est essentielle à la prospérité et à la compétitivité à long terme du Canada. La fusion Beneva-Gore montre comment la collaboration entre les provinces renforce notre économie et accroît notre résilience. Dans le contexte commercial actuel, la collaboration et le commerce interprovinciaux sont indispensables à la poursuite du succès du Canada, et ceci en est un bon exemple.
Dans mon discours du 10 juin, j’ai également souligné l’urgence d’adopter le projet de loi, car il s’agit de la première étape juridique d’un processus au calendrier serré faisant intervenir des lois fédérales et québécoises. Tout retard risque de repousser la fusion à 2026, de nuire à la rétention des employés, d’augmenter les coûts d’exploitation et d’affaiblir le positionnement sur le marché. Ce message a été entendu haut et fort en comité la semaine dernière, sans contourner aucun examen nécessaire.
En fait, permettez-moi de dire quelques mots sur la réunion que le Comité sénatorial des banques a tenue le 25 septembre.
Nous avons eu l’honneur d’accueillir Neil Parkinson, président du conseil d’administration de Gore Mutual, et Andy Taylor, président et chef de la direction de Gore Mutual. Ils étaient accompagnés de Jean-François Chalifoux, chef de la direction de Beneva, et de Pierre Marc Bellavance, vice-président exécutif et leader des Services juridiques et corporatifs de Beneva. J’ai eu le plaisir de collaborer avec eux depuis le mois de mars, quand j’ai accepté de parrainer le projet de loi S-1001.
M. Parkinson nous a rappelé que le conseil d’administration de Gore Mutual appuie le projet de loi à l’unanimité, le qualifiant de juste et équitable pour tous les souscripteurs. Lui et moi avons souligné que 94,6 % des membres de Gore Mutual ont voté en faveur de la fusion lors de leur assemblée annuelle d’avril. Il a également souligné que la fusion permettrait aux membres de son entreprise de devenir des membres à part entière de Beneva, ce qui leur garantirait de pouvoir continuer de participer à la gouvernance.
Quant à M. Taylor, qui est chez Gore Mutual depuis deux décennies, il nous a rappelé que la société Gore Mutual, fondée en 1839, est la plus ancienne société mutuelle d’assurance générale du Canada. Avec plus de 1 milliard de dollars d’actifs et une situation financière solide, l’entreprise est bien placée pour assurer sa croissance de façon durable. D’ailleurs, en réponse à une question posée par la sénatrice Henkel, il a expliqué que Gore se spécialise dans les PME, et il a dit ceci :
La fusion avec Beneva nous permettra de mieux soutenir les petites entreprises partout au pays.
Fait peut-être encore plus important, M. Taylor a souligné que la fusion avec Beneva permettra à Gore Mutual de prendre de l’expansion, de se diversifier et de demeurer concurrentielle tout en gardant ses racines historiques à Cambridge, en Ontario, et en maintenant ses engagements envers la collectivité qu’elle sert.
M. Parkinson et M. Taylor ont tous deux confirmé que cette fusion représente une occasion stratégique de renforcer le secteur canadien de l’assurance mutuelle tout en protégeant les intérêts des souscripteurs, des employés et des collectivités. Cette décision, prise par deux entreprises privées, n’a pas été prise à la légère.
[Français]
Quant à MM. Chalifoux et Bellavance, ils ont été tout aussi convaincants. Ils ont peint un portrait encourageant du potentiel de cette fusion et des nombreux bienfaits qui y sont associés. M. Chalifoux a expliqué que Beneva est née de la fusion de La Capitale et de SSQ Assurance en 2020, ce qui a permis de former la plus grande mutuelle d’assurance au Canada, qui compte aujourd’hui plus de 3,5 millions de membres. Au 31 décembre 2024, Beneva détenait 27 milliards de dollars d’actifs et 4,2 milliards de dollars de capitaux propres, avec un bénéfice net consolidé de 589 millions de dollars.
M. Chalifoux a souligné que le projet de fusion avec Gore Mutual témoigne d’un engagement fort en faveur de la collaboration économique interprovinciale, conformément aux appels lancés par les gouvernements de tout le Canada pour renforcer le commerce et la coopération à l’intérieur de nos frontières. La fusion renforcera la capacité de croissance, d’innovation et de résilience des deux organisations dans un environnement de risque de plus en plus concurrentiel et complexe.
[Traduction]
Pour ce qui est de M. Bellavance, il a décrit la structure juridique de la fusion, dont la première étape essentielle est le projet de loi S-1001. Il s’agit donc de la première étape essentielle. Étant donné qu’il n’existe aucune disposition législative générale permettant à une société d’assurance constituée sous le régime de la loi fédérale de poursuivre ses activités sous le régime de la loi provinciale, l’adoption d’une loi d’intérêt privé est nécessaire.
Le processus comporte quatre étapes : premièrement, le maintien de Gore Mutual sous le régime des lois du Québec; ensuite, la restructuration de Gore en une société de portefeuille mutuelle et un assureur en activité; puis, la société de portefeuille doit être fusionnée avec Beneva Mutual; et, enfin, le processus est achevé en combinant les activités d’assurance de Gore avec celles d’Unica Insurance, la filiale ontarienne de Beneva.
M. Bellavance a assuré au comité que ce projet de loi ne crée pas de précédent et il a souligné que huit cas comparables ont nécessité une loi d’intérêt privé depuis 1987, dont le plus récent en 2016. Il a également confirmé que les organismes de réglementation fédéral et provincial, le Bureau du surintendant des institutions financières et l’Autorité des marchés financiers du Québec ont publié des lettres de non-opposition et des lettres d’appui à l’opération. C’est un point important.
Comme je l’ai dit à l’étape de la deuxième lecture, plusieurs intervenants de l’industrie ont également approuvé cette fusion, dont l’Association canadienne des compagnies d’assurance mutuelles, l’Association des courtiers d’assurances du Canada et le Bureau d’assurance du Canada.
Le Bureau de la concurrence Canada s’est également prononcé sur la question et a confirmé, en mars, que le commissaire n’avait pas l’intention de présenter une demande en vertu de l’article 92 de la Loi sur la concurrence à l’égard de la fusion. Autrement dit, le bureau convient que l’opération ne soulève pas de graves préoccupations en matière de concurrence et ne voit aucune raison pour laquelle la fusion ne pourrait pas se dérouler comme prévu.
Étant donné que le projet de loi a été adopté à l’unanimité en comité et qu’aucune grande préoccupation n’a été soulevée au cours de nos délibérations, je suis convaincu que nous sommes bien informés et prêts à procéder au vote final. Je suis persuadé que le sénateur Carignan, qui reconnaît aussi l’intérêt de cette fusion, nous encouragera également à mettre la question aux voix.
Comme je l’ai mentionné précédemment, le temps presse. Ce projet de loi doit recevoir la sanction royale dès que possible afin qu’un processus similaire puisse être lancé à l’Assemblée nationale du Québec avant les Fêtes.
Honorables sénateurs, je vous invite à adopter le projet de loi aujourd’hui et à le renvoyer à nos collègues de l’autre endroit pour qu’ils l’examinent et l’adoptent rapidement. Il s’agit d’un projet de loi non partisan, non controversé et essentiel pour assurer la viabilité à long terme du secteur de l’assurance mutuelle au Canada. J’espère que les sénateurs conviendront avec moi que cette fusion proposée contribuera à renforcer le secteur national de l’assurance grâce à une augmentation de l’échelle, de la concurrence et du réinvestissement dans la collectivité. Il s’agit d’une bonne fusion. Il n’y a aucune raison de retarder l’adoption de ce projet de loi.
Honorables collègues, au-delà de son incidence immédiate sur le secteur de l’assurance mutuelle, ce projet de loi répond à un impératif plus large : la souveraineté économique du Canada. À une époque marquée par l’incertitude mondiale et la concurrence sur les marchés financiers, il est essentiel de disposer d’institutions nationales solides pour préserver notre stabilité à long terme.
En autorisant cette fusion, nous veillons à ce que les mutuelles d’assurances, enracinées dans leur milieu et gouvernées par leurs membres, demeurent une force viable et résiliente dans le paysage financier du Canada. Il ne s’agit pas seulement d’assurance, mais aussi du renforcement des institutions canadiennes qui servent avant tout les intérêts des Canadiens.
En adoptant le projet de loi S-1001, nous ne facilitons pas seulement une fusion, mais nous renforçons également la tradition de coopération du Canada, nous préservons les emplois, et nous renforçons la vitalité du secteur de l’assurance mutuelle pour les générations à venir.
Merci. Meegwetch.
Des voix : Bravo!
[Français]
L’honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs, c’est avec plaisir que je prends la parole aujourd’hui à titre de porte-parole de l’opposition officielle à l’étape de la troisième lecture du projet de loi S-1001.
Je remercie le sénateur Loffreda d’avoir agi à titre de parrain de ce projet de loi qui est de la plus haute importance pour deux entreprises canadiennes, soit la Gore Mutual et Beneva.
(1520)
Tout comme lors de mon discours à l’étape de la deuxième lecture, je serai bref. Je me réjouis de voir que le projet de loi S-1001 est arrivé aussi efficacement et rapidement à l’étape de la troisième lecture. L’étape de la deuxième lecture s’est faite elle aussi en peu de temps en juin dernier. Le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie a étudié le projet de loi le 25 septembre dernier et a présenté son rapport sans amendement.
Bien que le projet de loi S-1001 soit non controversé, il a fait l’objet, à l’étape de la deuxième lecture et de son examen en comité, de questions extrêmement pertinentes. Ces étapes sont cruciales dans nos travaux au Sénat, car elles nous permettent, ainsi qu’aux Canadiens et aux Canadiennes qui suivent nos travaux, de bien comprendre le projet de fusion entre ces deux entreprises. Les représentants de la Gore Mutual et de Beneva ont su répondre avec aplomb aux questions et préoccupations du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie. Le travail a été mené avec rigueur, et je suis plutôt fier de l’efficacité dont a fait preuve notre institution.
Comme je vous l’ai mentionné lors de mon deuxième discours, l’adoption de ce projet de loi ne représente qu’une formalité et aucune forme d’interventionnisme de la part de parlementaires ne devrait ralentir son adoption, puisqu’il n’y a aucun enjeu autour de cette fusion. Au contraire, un long délai observé pour son adoption ici et à l’autre endroit pourrait entraîner des conséquences négatives pour ces deux entreprises, étant donné que nous ne sommes que la première étape du processus menant à leur fusion.
Honorables sénateurs, je vous invite à voter dès maintenant en faveur de l’adoption du projet de loi S-1001 à l’étape de la troisième lecture, afin que nous puissions le renvoyer à l’autre endroit pour que ce dernier puisse l’examiner dans les meilleurs délais.
Je vous remercie.
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)
[Traduction]
La Loi sur le casier judiciaire
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat
L’honorable Kim Pate propose que le projet de loi S-207, Loi modifiant la Loi sur le casier judiciaire et d’autres lois en conséquence et abrogeant un règlement, soit lu pour la deuxième fois.
Chers collègues, je prends la parole aujourd’hui sur le territoire non cédé et non restitué des algonquins anishinaabeg pour entamer la deuxième lecture du projet de loi S-207, qui modifierait la Loi sur le casier judiciaire.
C’est la cinquième fois que je présente ce projet de loi, et je tiens à remercier les fabuleux experts que nous avons consultés pendant l’élaboration et l’étude de ce projet de loi, qu’il s’agisse d’avocats, d’universitaires, de personnes ayant vécu cette expérience, de membres du Comité des affaires juridiques ou de collègues du Sénat. Au cours des huit dernières années, vos commentaires et votre expertise ont alimenté des discussions cruciales, qui ont amélioré le projet de loi et lui ont permis d’être adopté en troisième lecture lors de la dernière législature, lorsqu’il était le projet de loi S-212.
Je tiens également à remercier les milliers de Canadiens qui ont manifesté leur soutien à ce projet de loi. Bon nombre d’entre eux sont des membres de la famille, des amis ou des employeurs de personnes dont la vie a été irrémédiablement bouleversée par des dossiers vieux de plusieurs décennies.
En travaillant ensemble pour que le projet de loi passe à l’étape de la troisième lecture, nous franchirions une étape urgente et significative pour avoir des communautés plus sûres, plus justes et plus soudées pour ceux qui ont besoin de se défaire de leur casier judiciaire et pour tous les Canadiens.
Commençons par l’histoire de Kimberly. Kimberly est membre de la Fresh Start Coalition, un groupe qui réunit plus de 85 organisations de la société civile qui travaillent aux côtés de personnes ayant vécu la judiciarisation et qui souhaitent obtenir l’annulation sans frais et automatique du casier judiciaire, comme le propose le projet de loi S-207.
Comme beaucoup d’autres, Kimberly a été judiciarisée alors qu’elle tentait de composer avec la victimisation et d’y survivre. Son casier judiciaire est le résultat de trois décennies de sévices physiques et sexuels, qui ont commencé lorsqu’elle était enfant. Elle a fini par échapper à un partenaire violent, mais son casier judiciaire l’a suivie partout où elle est allée. Elle est restée piégée dans des emplois précaires et mal rémunérés. Une fois, elle a trouvé un bon emploi, mais elle a fait partie du congédiement de masse de tous les employés récemment embauchés qui avaient un casier judiciaire. Elle a tenté de se recycler en suivant des cours en ligne le soir tout en travaillant à plein temps le jour, pour apprendre après un an qu’elle ne pouvait pas passer son examen d’accès à la profession en raison de son casier judiciaire.
Voici ce que le casier de Kimberly signifiait pour elle lors de chaque entretien d’embauche :
[...] je dois raconter ma vie personnelle encore une fois. Je suis obligée de parler de ces choses que j’ai travaillé si fort à surmonter sur les plans social, mental et physique. Chaque fois, c’est à recommencer.
Tout le monde dit : « Tu sais, tout le monde a un squelette dans le placard. » Moi, je traîne le mien juste derrière moi, comme un boulet. Il me suit partout où je vais, à longueur de journée.
Les expériences de Kimberly démontrent qu’il est urgent d’adopter ce projet de loi. Elles permettent de remettre en question les idées reçues sur les personnes qui subissent les préjugés liés aux casiers judiciaires, car c’est un fardeau qu’elles traînent trop souvent toute leur vie, et à quelle fin?
Comme tant d’autres, Kimberly a été abandonnée par tous nos systèmes de services sociaux et laissée à elle-même pour survivre à la pauvreté, à l’itinérance, à la violence, à la toxicomanie et à des problèmes de santé mentale. Ce sont ces personnes qui sont disproportionnellement happées par le système judiciaire et carcéral canadien. Elles finissent par avoir un casier judiciaire en raison des lois que nous avons adoptées et de notre incapacité à leur apporter l’aide et le soutien dont elles ont besoin.
En raison du colonialisme et des inégalités non corrigées, la majorité des femmes incarcérées dans les prisons fédérales sont issues de minorités racisées; la moitié d’entre elles sont autochtones. Presque toutes — 9 sur 10 — ont été victimes de violences physiques et sexuelles.
Quand une femme comme Kimberly, qui tente d’échapper à la violence, de subvenir aux besoins de ses enfants et de prendre un nouveau départ, ne parvient pas à trouver un emploi ou un logement en raison de son casier judiciaire, qui en profite? Qui est protégé?
Compte tenu des délais d’attente, des coûts ainsi que des exigences complexes et lourdes relativement aux documents à produire, il est presque impossible de demander à faire suspendre son casier judiciaire dans l’état actuel des règles, sauf pour les plus riches.
Bien que ce système profondément inéquitable puisse sembler être une relique du passé, la plupart des obstacles à la suspension du casier judiciaire ont été ajoutés à la législation en 2010 et 2012, il y a moins de 20 ans. Les solutions, cependant, ne sont pas nouvelles. Le projet de loi S-207 reflète un consensus de longue date et grandissant selon lequel il est avantageux pour tout le monde que les personnes qui ont payé leur dette à la société puissent un jour ou l’autre tourner la page.
Ce projet de loi propose trois mesures clés.
Premièrement, il rétablirait les délais d’attente qui étaient en vigueur au Canada, soit de cinq ans pour les infractions punissables par mise en accusation et de deux ans pour les infractions punissables sur déclarations de culpabilité par procédure sommaire, ce qui annulerait le doublement des délais de suspension du casier judiciaire effectué en 2012.
Deuxièmement, on substituerait aux démarches coûteuses et pénibles que les gens doivent faire actuellement l’expiration sans frais du casier judiciaire à la fin de la période d’attente, à condition qu’il n’y ait pas de condamnations ou d’accusations subséquentes. Comme c’est le cas en ce moment, les casiers expirés seraient conservés à part, et leur existence ne serait plus révélée lors des vérifications de casier judiciaire. Cependant, ils continueraient d’être accessibles dans les bases de données de la police aux fins d’enquête légitime. En outre, le projet de loi maintiendrait le système actuel de vérification des antécédents des personnes qui souhaitent travailler ou faire du bénévolat avec des personnes considérées comme vulnérables, par exemple, des enfants ou des personnes âgées. Les vérifications spéciales de casier judiciaire effectuées en pareil cas révéleraient l’existence d’un casier expiré si elle résulte d’une agression sexuelle.
Troisièmement, contrairement à ce qui arrive dans le cas des suspensions de casier actuelles, les gens n’auraient pas à craindre que soit révoquée l’expiration de leur casier ou qu’elle cesse d’avoir effet, sauf dans certaines circonstances, lorsqu’il y a condamnations pour agression sexuelle.
Je me permets de rappeler brièvement quelques thèmes clés qui ressortent des huit années de cheminement de ce projet de loi.
Premièrement, il est urgent d’adopter ce projet de loi. Le gouvernement fédéral a pris des mesures progressives pour améliorer le système de casiers judiciaires. Le projet de loi S-207 s’inscrit dans cette importante démarche.
Deuxièmement, l’expiration des casiers judiciaires et la sécurité publique vont de pair. L’élimination des obstacles à l’expiration du casier judiciaire favorise la sécurité publique.
Troisièmement, soutenir les gens qui souhaitent se sortir de la criminalité répond aux besoins et aux priorités des victimes.
Quatrièmement, le projet de loi S-207 prévient la stigmatisation et la discrimination tout en permettant aux policiers de faire leur travail d’enquête.
Cinquièmement, en ce qui concerne la faisabilité et l’abordabilité, le projet de loi S-207 prévoit une meilleure option que le système coûteux actuel du Canada.
En ce qui concerne le premier thème, qu’est-ce que le projet de loi S-207 ajoute aux mesures progressives précédentes du gouvernement, qui visent à rendre le système de casiers judiciaires plus équitable?
(1530)
En 2022, le gouvernement a annulé les récentes augmentations exorbitantes des frais de demande en les faisant passer de plus de 658 $ à 50 $. Bien que cette mesure constitue une avancée majeure, elle n’a pas éliminé les obstacles financiers.
Pendant des années, le système canadien de casier judiciaire fonctionnait sans aucuns frais de demande. Même si 50 $ peuvent sembler peu, la plupart des personnes qui demandent une suspension de casier judiciaire cherchent à trouver un emploi ou à poursuivre des études et d’autres voies pour sortir de la pauvreté, pour elles-mêmes et leur famille. Les frais de demande de 50 $ pour une suspension de casier judiciaire peuvent signifier pour elles de ne pas pouvoir se nourrir ou se loger dans un endroit sûr, ou acheter un manteau, des bottes ou des articles de première nécessité pour leurs enfants.
Outre les frais de demande, d’autres exigences liées à la demande entraînent rapidement des centaines, voire des milliers de dollars de coûts cachés, tels que les vérifications policières, la prise d’empreintes digitales, les déplacements pour récupérer des documents, la consultation d’avocats ou, dans de trop nombreux cas, les escroqueries de la part d’entreprises qui n’aident guère les personnes concernant leur casier judiciaire, mais qui facturent des frais exorbitants.
En conséquence, bien que le nombre de demandes ait augmenté depuis que le gouvernement a réduit les frais, il n’est pas revenu au niveau où il se trouvait avant les hausses de frais de 2010 et 2012. Le nombre de personnes qui font une demande est encore à peine la moitié de ce qu’il était auparavant.
Le projet de loi S-207 ferait en sorte que les casiers expirent sans que la personne ait à présenter une demande, ce qui éliminerait les frais de demande et d’autres coûts connexes souvent cachés. Il pourrait également réduire et, à terme, éliminer les coûts de la structure qui est actuellement nécessaire pour administrer le processus.
En 2024, le gouvernement a fait un pas vers ce type d’expiration sans demande. Avec la loi issue du projet de loi C-5, toutes les condamnations pour possession de drogues expirent désormais automatiquement deux ans après la fin de la peine.
On nous dit travailler actuellement sur l’infrastructure permettant l’expiration automatique des casiers judiciaires pour possession de drogues, ce qui pourrait aussi servir de point de départ à la mise en œuvre du projet de loi S-207.
Entretemps, le gouvernement s’acquitte de ses obligations sur le plan fonctionnel grâce à une directive ministérielle qui ordonne aux détenteurs d’information relative au casier judiciaire de ne pas divulguer les renseignements liés aux dossiers concernés, ce qui démontre l’éventail des options disponibles pour la mise en œuvre immédiate du projet de loi S-207.
L’expiration automatique des casiers judiciaires pour les condamnations liées à la possession de drogues prévue dans la loi issue du projet de loi C-5 a été mise en place après des tentatives infructueuses visant à encourager les personnes condamnées pour possession de cannabis à demander un pardon après la décriminalisation.
En 2019, grâce à la loi issue du projet de loi C-93, le gouvernement a mis en place un processus de demande gratuit conçu pour être aussi simple et efficace que possible. Cependant, 5 ans après sa mise en œuvre, seulement 13 % des 10 000 personnes que le gouvernement estimait possiblement admissibles avaient fait une demande à la Commission des libérations conditionnelles, ce qui ne représentait qu’une petite fraction des personnes ayant des antécédents de possession de cannabis.
Pire encore, plus d’une demande sur trois a ensuite été rejetée en raison de problèmes techniques, notamment parce que les dossiers ne précisaient pas que la condamnation de possession était liée au cannabis ou parce que les dossiers étaient si anciens que les tribunaux en avaient détruit les documents papier. Même un processus de demande spécialement conçu pour être rapide et convivial restait trop coûteux, fastidieux et complexe pour que les gens puissent le mener à bien.
Le gouvernement a obtenu des résultats semblables quand il a mis en place un processus simplifié et gratuit pour l’expiration des casiers judiciaires résultant de la criminalisation discriminatoire des membres de la communauté 2ELGBTQ+. Seule une poignée de personnes ont pu en bénéficier, et aucune des condamnations historiques des travailleuses du sexe condamnées au titre de la loi sur la prostitution n’a été supprimée.
Les tentatives visant à accélérer la procédure de suspension du casier judiciaire ont vu le jour parce que le gouvernement a reconnu que des milliers et des milliers de personnes — en grande majorité issues des communautés 2ELGBTQ+, noires et autochtones — avaient encore des casiers judiciaires pour de prétendus crimes qui ont depuis été reconnus comme discriminatoires et supprimés du Code criminel.
Les comportements qui étaient criminalisés sont désormais reconnus comme n’ayant jamais présenté de risque pour la sécurité publique. Pourtant, le système canadien de casiers judiciaires a continué à marginaliser et à stigmatiser ces milliers et milliers de personnes sans leur offrir de procédure de suspension.
Combien d’autres personnes sont actuellement dans l’incapacité de trouver un emploi ou un logement sûr ou de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille en raison d’un casier judiciaire qui n’a rien à voir avec un risque pour la sécurité publique? Leur casier judiciaire est plutôt intimement lié à l’insuffisance des ressources dont ces personnes disposent pour échapper à des situations comme la pauvreté, l’itinérance et les crises de santé mentale qui multiplient le risque d’être victimisé, exploité et rendu passible de poursuites pénales. Leur casier reflète également un accès inéquitable aux ressources financières et juridiques nécessaires pour obtenir la suspension du casier.
Ces tentatives infructueuses visant à simplifier les demandes démontrent que, pour offrir un accès équitable à la suspension du casier judiciaire, nous avons besoin de la procédure proposée par le projet de loi S-207.
L’utilisation d’une procédure de demande de suspension du casier judiciaire impose aux personnes concernées la nécessité de remplir des documents complexes et de rassembler des pièces qui peuvent remonter à plusieurs décennies et qui peuvent être conservées dans des postes de police et des palais de justice d’un bout à l’autre du Canada. Ces personnes sont souvent pauvres et itinérantes, elles n’ont peut-être pas accès à un ordinateur ou à une adresse postale et elles peuvent se heurter à des obstacles linguistiques et de littératie. Donc, en plus d’être déjà marginalisées, elles cumulent les obstacles liés au coût, au temps nécessaire, aux déplacements et à l’expertise juridique. Pire encore, l’ensemble du processus est stigmatisant, démoralisant et par conséquent, honorables collègues, inacceptable.
En 2016, le ministre de la Sécurité publique d’alors, Ralph Goodale, a promis de réformer le système du casier judiciaire, dont il a dit qu’il était :
[...] d’une complexité et d’une lourdeur inutiles [...] un bourbier procédural où les avocats peinent à s’y retrouver, alors imaginez la population en général. La période d’attente pour les demandes est inutilement longue [...] et il y a le coût [...] si vous êtes pauvre, vous êtes catalogué pour toujours.
Le régime de suspension du casier judiciaire du Canada est carrément punitif. Il faut le corriger.
Depuis 2016, des observations communes sont ressorties d’au moins trois rondes de consultations publiques, d’un rapport produit par un comité de la Chambre des communes et appuyé par tous les partis, et du rapport du Comité sénatorial des droits de la personne sur les droits des personnes purgeant une peine de ressort fédéral : le coût demandé pour la suspension du casier judiciaire est prohibitif, les périodes d’attente sont trop longues, et on devrait explorer la possibilité que des casiers judiciaires viennent à expiration automatiquement, sans qu’aucune demande ne soit nécessaire.
En fait, les consultations menées par le gouvernement en 2021 au sujet du retrait automatisé des casiers judiciaires ont montré que presque tous les participants soutenaient fortement les mesures de ce genre.
Le projet de loi S-207 s’appuie sur des années d’études gouvernementales, de données probantes, de consultations et de reconnaissance. L’expiration du casier judiciaire constitue la prochaine étape pour régler de façon rentable des injustices et des inégalités liées au système de casiers judiciaires.
Ce qui m’amène au deuxième thème : quelles conséquences auront l’élimination du processus de demande et la réduction des périodes d’attente pour la sécurité publique?
Les recherches disponibles montrent clairement que l’élimination d’obstacles à la suspension du casier judiciaire accroît la sécurité des collectivités. En gros, c’est parce que les gens peuvent réussir à s’intégrer plus facilement.
Comme l’a récemment souligné le Dr Anthony Doob, professeur émérite et ancien président des unités d’intervention structurée et du Comité consultatif sur la mise en œuvre concernant le projet de loi C-83, des études démontrent que les meilleurs indicateurs d’une intégration réussie dans la collectivité ne sont pas les critères contraignants et subjectifs imposés par les processus de demande actuels. Ce qui importe le plus, c’est l’accès à un emploi et à un logement, deux choses qui augmentent les chances des personnes concernées de pouvoir vivre dans la collectivité.
Comme le résume Sécurité publique Canada dans un rapport de recherche publié en 2021, « l’obtention d’un emploi après la libération d’un établissement correctionnel est essentielle à la réinsertion sociale » et est associée à une baisse des taux de récidive.
Après un nombre relativement restreint d’années sans perpétration de crime, les personnes ayant un casier judiciaire ne sont pas plus susceptibles que les autres de commettre un crime.
Une étude américaine a suivi l’évolution de 6 000 personnes condamnées pour des crimes allant d’infractions contre les biens à des agressions sexuelles graves. Cinq ans après leur sortie de prison, quelle que soit l’infraction qui avait conduit à leur condamnation et à leur incarcération, le principal facteur d’une réinsertion sociale réussie était leur capacité à trouver un emploi et à accéder à l’éducation.
Ce projet de loi ne modifierait pas le système actuel de vérification des antécédents des personnes qui travaillent auprès de personnes vulnérables au Canada, ce qui signifie que les antécédents, même s’ils sont expirés, continueraient d’apparaître dans ce type spécifique de vérification des antécédents pour les personnes qui travaillent ou font du bénévolat auprès de personnes considérées comme vulnérables.
Les mécanismes actuels permettant d’annuler l’annulation d’un casier judiciaire — c’est-à-dire la révocation et la suspension d’un casier judiciaire — seraient limités à certaines situations où les condamnations sont liées à des agressions sexuelles. Cette approche vise à tenir compte des obstacles à la dénonciation des abus et des agressions, car ces obstacles risquent de faire en sorte que les informations pertinentes ne soient disponibles qu’après l’expiration d’un casier judiciaire.
Nous devons également reconnaître que, compte tenu des réalités auxquelles sont confrontées les femmes et les enfants victimes de violences — par exemple, les obstacles à la dénonciation et l’absence de responsabilité —, les vérifications des antécédents judiciaires ne sont pas et n’ont jamais été un moyen efficace de protéger les personnes contre les préjudices.
(1540)
Les données de la Commission des libérations conditionnelles du Canada indiquent que, depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur le casier judiciaire, il y a plus de cinq décennies, la grande majorité — soit plus de 95 % — des contrevenants ayant obtenu un pardon ou une suspension de leur casier judiciaire n’ont pas commis d’autre crime.
De plus, lorsque les critères d’admissibilité ont été rendus plus complexes et plus sévères en 2010 et 2012, ce taux de réussite déjà élevé ne s’est pas amélioré. Mettre en œuvre des programmes efficaces de suspension des casiers judiciaires et éliminer les procédures de demande compliquées contribuent à améliorer l’accès à l’emploi, au logement et à d’autres services essentiels.
Les consultations publiques menées en 2022 sur le cadre fédéral visant à réduire la récidive ont souligné que les approches punitives à l’égard des personnes ayant un casier judiciaire sont non seulement cruelles, mais aussi inefficaces. Selon les commentaires obtenus, il faut mettre l’accent sur les déterminants sociaux qui réduisent la récidive, par exemple le logement, l’éducation, l’emploi, la santé et les réseaux de soutien positif.
Le projet de loi S-207 s’appuie sur ces conclusions ainsi que sur les mesures proposées par le gouvernement fédéral lui-même dans un projet de loi présenté en 2021. Le projet de loi a été court-circuité par les élections, mais s’il avait été adopté, il proposait d’éliminer certaines des nombreuses exigences pour les demandes, d’accorder le pardon pour certaines condamnations actuellement inadmissibles à une suspension du casier judiciaire et de réduire les délais d’attente.
Nous méritons un système équitable qui tient réellement ses promesses pour rendre les collectivités plus sûres.
Troisième thème : on dit parfois à tort que la suspension du casier judiciaire équivaut à excuser des actes criminels ou à faire fi des intérêts des victimes. C’est faux dans les deux cas.
Les juges imposent des peines en fonction de ce qu’ils jugent nécessaire et approprié pour tenir une personne précise responsable de ses actes. Ils prennent ces décisions en sachant que conformément à la loi, les gens auront le droit de demander une libération conditionnelle et que, s’ils y sont admissibles — s’ils y sont admissibles —, ils pourront éventuellement demander la suspension de leur casier judiciaire.
Comme l’a dit la Cour suprême du Canada :
Les individus qui ont acquitté leur dette envers la société ont droit de la réintégrer et d’y vivre sans courir le risque d’être dévalorisés et injustement stigmatisés.
Témoignant au sujet de ce projet de loi au cours de la dernière législature, l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels a soutenu l’élimination des obstacles à la suspension du casier judiciaire, car, selon lui, les types d’obstacles que les casiers judiciaires imposent aux personnes sans autres condamnations augmentent en fait la probabilité d’une victimisation accrue.
L’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels a également noté qu’en raison de l’inégalité et de la discrimination au sein du système judiciaire, de nombreuses victimes, trop souvent des personnes racisées et des femmes ayant un partenaire violent, vivent elles-mêmes avec le fardeau et la stigmatisation d’un casier judiciaire. Il a déclaré :
Les casiers judiciaires causent des préjudices directs et indirects à de nombreuses victimes d’actes criminels. C’est un instrument inefficace appliqué à un large éventail de personnes qui ont des démêlés avec le système de justice. Alors que les vérifications de casier judiciaire sont de plus en plus communes dans le processus de demande d’emploi, de bénévolat, d’éducation et de logement, les préjudices continuent de croître.
Pour ces raisons, un ancien ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels a déclaré que les modifications apportées en 2010 et en 2012, qui limitent sévèrement l’accès à la suspension du casier judiciaire, étaient vraiment stupides.
Le Bureau de l’ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels ne fait pas cavalier seul. Parmi les dizaines de groupes communautaires qui plaident en faveur de l’expiration automatisée du casier dans le cadre de la coalition Nouveau départ, beaucoup travaillent avec et au nom des victimes d’actes criminels. C’est le cas notamment de la ligne de soutien pour femmes violentées Fem’aide, de la clinique commémorative Barbra Schlifer, du Centre to End All Sexual Exploitation, du Huron Women’s Shelter, de Luke’s Place, des Muskoka Parry Sound Sexual Assault Services, de la coalition des centres anti-viol de l’Ontario, de la Coalition d’Ottawa contre la violence faite aux femmes, du Women and Children Shelter of Barrie, du refuge Women in Crisis pour Timmins et ses environs, des services aux victimes de la région de Durham et d’Hébergement femmes Canada.
Un quatrième thème concerne les cas où les données relatives aux casiers expirés peuvent être pertinentes pour le travail de la police. Le projet de loi S-207 incorpore des amendements apportés à la version précédente de ce projet de loi par le Comité des affaires juridiques, en particulier pour refléter les témoignages que le comité a entendus de la part de certains témoins représentant des services de police.
Par exemple, l’Association canadienne des chefs de police a souligné que le projet de loi pourrait favoriser une réintégration réussie dans la communauté. Elle nous a exhortés à veiller à ce que, à mesure que l’élimination du fardeau du casier judiciaire devient la norme plutôt que l’exception qu’elle est dans le régime actuel de suspension du casier judiciaire, la police ne perde pas rapidement l’accès aux données centralisées concernant les antécédents judiciaires qu’elle utilise dans ses enquêtes.
Le Comité des affaires juridiques a accepté mon amendement visant à garantir l’accès de la police aux dossiers expirés, à des fins limitées d’enquête.
Inspiré du système actuel de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, cet amendement autoriserait la police à avoir accès à des casiers expirés, à condition que cet accès soit à des fins d’enquête légitimes.
Toutefois, cet amendement reconnaît qu’il serait mauvais pour les objectifs de sécurité publique que la police utilise les casiers expirés non pas pour des motifs d’enquête légitimes, mais dans le cadre de pratiques discriminatoires de fichage.
Le projet de loi empêche que des casiers judiciaires expirés soient inclus dans des vérifications de dossiers à des fins civiles non policières, y compris les demandes pour un logement, un emploi ou un poste bénévole.
Enfin, passons au cinquième thème, qui porte sur la faisabilité et l’abordabilité du processus d’expiration des casiers judiciaires.
Le projet de loi S-207 est une solution de rechange intéressante au système canadien actuel, qui comporte de multiples voies d’application complexes, dont l’administration nécessite des ressources importantes et qui utilise des critères complexes et fastidieux sans rapport avec les objectifs de sécurité publique.
En raison de l’obligation du gouvernement de prévoir l’expiration automatique des casiers judiciaires pour possession de drogue, le processus menant à la mise en place du système proposé par ce projet de loi est déjà enclenché.
L’expiration automatique des casiers existe partout dans le monde, y compris au Royaume-Uni, en France, en Allemagne et en Nouvelle-Zélande, ainsi qu’au Canada, dans le cadre du système de justice pour les adolescents.
Durant l’examen du projet de loi lors de la dernière législature, l’une des architectes de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents a affirmé ceci :
Nous avons eu de nombreuses et longues discussions avec des gardiens de casiers judiciaires dans les provinces, avec la police, des administrateurs de tribunaux, etc. Nous avons aplani les difficultés [...] cette loi [...] est en vigueur depuis maintenant 20 ans. Le ministre [de la Sécurité publique] et d’autres pourraient examiner ce précédent peut-être correct pour obtenir l’accord des provinces. [La question de l’expiration du casier judiciaire dans le système des adultes] devrait être assez facile [à régler].
C’est le système actuel qui est inabordable et inaccessible. Récemment, le gouvernement a versé 18 millions de dollars à des groupes communautaires pour aider les gens à présenter des demandes. Ces groupes communautaires indiquent que les montants qu’ils ont reçus sont insuffisants pour couvrir les coûts réels qu’ils doivent assumer pour aider les gens dans le cadre de ce processus complexe, même s’ils font tout ce qu’ils peuvent pour leur venir en aide.
Même si elle ne reçoit pas de soutien dans le cadre de ce programme fédéral, la Première Nation nishnawbe-aski du Nord de l’Ontario, en partenariat avec la Police provinciale de l’Ontario, aide les membres de la communauté à présenter une demande de suspension du casier judiciaire. Ces partenaires ont uni leurs efforts parce que tous ont reconnu que la suspension du casier judiciaire est un investissement dans la sécurité, l’économie, la santé et le bien-être de la collectivité, ainsi que dans la réconciliation et la décolonisation. Alors que les collectivités voulaient participer à des activités de développement économique, un trop grand nombre de personnes n’avaient pas accès à des emplois en raison de leur casier judiciaire.
J’ai pu le constater de mes propres yeux lorsque j’ai rendu visite à la Première Nation de Pikangikum il y a deux semaines. Le chef et le conseil ont évoqué les obstacles à l’embauche de membres de la communauté et les difficultés qui en découlent, notamment en matière d’accès au logement et aux mesures de soutien communautaire.
Nous avons rencontré le juge itinérant et les avocats qui ont traité les cas des membres de la communauté transférés par avion vers des prisons du Sud pour y être placés en détention provisoire, puis ramenés par avion dans leur communauté en vue de leur procès. Pikangikum dispose d’un centre d’hébergement de 16 places qui aurait pu être utilisé pour garder les gens dans la communauté et leur éviter la détention. Cependant, il reste vide en raison du manque de personnel. L’héritage de la colonisation et de la criminalisation au sein de la communauté fait que trop de candidats qualifiés pour y travailler ne pourraient pas passer la vérification des antécédents requise.
Ce type de vols, qui consiste à retirer des individus de leur communauté pour les envoyer dans des prisons du Sud, coûte à notre système judiciaire des centaines de milliers de dollars par jour, sans aucun bénéfice pour la communauté.
En éliminant l’obligation de présenter une demande, le projet de loi S-207 garantirait un accès plus efficace à la suspension du casier judiciaire tout en permettant à la Commission des libérations conditionnelles du Canada, aux gouvernements, aux collectivités et aux prestataires de services de réacheminer leurs ressources limitées vers d’autres priorités.
Alors, qu’attendons-nous? Des 3,8 millions de Canadiens détenant un casier judiciaire, 9 sur 10 n’ont pas de pardon ou de suspension de leur casier. Au rythme où la Commission des libérations conditionnelles du Canada rendait ses décisions l’année dernière, il faudrait au moins 256 ans pour examiner les demandes relatives à tous les casiers judiciaires actuels.
Entretemps, les Canadiens à faible ou à moyen revenu ont du mal à accéder aux services de soutien, notamment lorsqu’il s’agit de trouver un logement ou un emploi. Les casiers judiciaires ne font pas qu’ajouter une couche supplémentaire de discrimination : ils multiplient les obstacles.
Le projet de loi S-207 ne corrigera pas à lui seul toutes les injustices actuelles au sein du système de casiers judiciaires. Il s’agirait toutefois d’une véritable bouée de sauvetage pour les gens qui ont purgé leur peine et qui ne ménagent aucun effort pour réintégrer la société, se réinsérer, rester en sécurité et en bonne santé ainsi que subvenir aux besoins de leur famille et prendre soin d’elle.
Au Comité des affaires juridiques, lors de la dernière législature, nous avons entendu une femme nommée Rachel, qui a un casier judiciaire et qui fait actuellement des études de doctorat en criminologie afin de travailler avec d’autres personnes piégées dans le système de justice pénale et de les représenter. Elle nous a parlé du besoin urgent d’adopter ce projet de loi :
(1550)
Des gens [...]
— qui ont un casier judiciaire —
[...] sont dans la rue parce qu’ils ne peuvent pas trouver de logement. Ils sont frustrés parce qu’ils n’ont pas accès à l’éducation. Ils ne sont pas en mesure d’obtenir un emploi régulier et intéressant. Je connais de nombreuses personnes qui ont été forcées de se prostituer [...]
Qu’est-ce que le Canada a à gagner d’un système injuste et inaccessible qui oblige les victimes d’agressions à retourner dans les conditions d’isolement et d’exploitation mêmes qui ont fait d’elles des victimes et qui les ont poussées à la criminalité?
Unissons nos efforts pour que ce projet de loi atteigne de nouveau l’étape de la troisième lecture. Poursuivons le travail que nous avons accompli lors de la dernière séance et apportons au système des casiers judiciaires et à tant d’autres domaines connexes les changements positifs et fondés sur des données probantes qui sont attendus depuis longtemps.
Meegwetch. Merci.
L’honorable Denise Batters : La sénatrice Pate accepterait-elle de répondre à quelques questions?
La sénatrice Pate : Oui.
La sénatrice Batters : Merci. Tout d’abord, vous avez mentionné dans votre discours que les frais de demande de pardon sont désormais de 50 $, ce qui représente une baisse considérable par rapport aux 658 $ d’avant, si j’ai bien compris. Je me demande quand cette baisse des frais de demande de pardon a eu lieu, en quelle année. À combien s’élevaient-ils quand vous avez présenté la première version du projet de loi? Le gouvernement libéral a-t-il apporté d’autres modifications afin de simplifier le processus de demande de pardon?
La sénatrice Pate : Les frais ont été réduits il y a deux ans, je crois. Je vais trouver la date exacte. Lorsque j’ai présenté le premier projet de loi — nous en sommes au cinquième —, les frais s’élevaient à 650 $, puis ils ont été augmentés en vertu d’une disposition stipulant que les frais de demande et de procédure augmentent avec l’inflation. Je ne me souviens plus du nom du projet de loi. J’ai un trou de mémoire, mais je vais le trouver. Les frais ont augmenté, puis le gouvernement les a ramenés à 50 $.
Comme je l’ai mentionné, le nombre de personnes qui ont présenté une demande n’a pas augmenté de façon proportionnelle, car tous les autres frais liés à la demande n’avaient pas été pas pris en compte. Comme je l’ai mentionné, les personnes doivent se rendre sur place pour faire prendre leurs empreintes digitales. Elles doivent parfois parcourir de longues distances pour se rendre à l’endroit où elles ont été condamnées afin de retrouver les dossiers. Parfois, ces dossiers n’existent pas. C’est en partie pour cette raison que certaines personnes ont vu leur demande refusée, malgré la procédure de retrait automatique pour les condamnations liées au cannabis.
Je me suis intéressée à la nature de ces détails techniques. On m’a dit qu’un tiers des demandes étaient rejetées pour des raisons d’ordre technique. Apprendre qu’on entend par là que personne ne peut trouver le dossier vient en quelque sorte tourner le fer dans la plaie, et cela rend les choses encore plus difficiles.
Dans l’état actuel des choses, nous sommes toujours dans une situation où, bien que l’expiration automatique des casiers judiciaires ait été mise en place pour le cannabis, il a fallu publier une directive ministérielle parce que le processus d’automatisation des systèmes n’est pas terminé. Une fois cette automatisation terminée, il devrait être possible de l’appliquer à tous les casiers.
La sénatrice Batters : Dans la dernière partie de ma question — j’en aurai peut-être d’autres — je demandais si le gouvernement libéral avait apporté d’autres modifications outre la réduction des frais pour une demande de pardon. Je crois que non. Je me trompe?
La sénatrice Pate : En ce qui concerne le processus d’expiration des casiers judiciaires, le gouvernement a mis en œuvre le projet de loi C-5. Le projet de loi que le gouvernement libéral avait présenté et qui est mort au Feuilleton aurait fait avancer le processus automatique. Il a supprimé les casiers contenant des condamnations pour discrimination envers des personnes 2ELGBTQI+. Il n’a pas supprimé les dossiers des travailleuses du sexe ne l’ont pas été, et cela était couvert par ce projet de loi. Il a supprimé des casiers pour des infractions comme la sodomie.
La sénatrice Batters : Merci. J’ai noté ces autres changements, en effet. Je me demandais, de façon plus générale, si le processus de demande de pardon avait été facilité, mis à part ces quelques éléments précis. J’ai l’impression que non.
La sénatrice Pate : Le seul autre changement est celui que j’ai mentionné, où le gouvernement a versé 18 millions de dollars à des groupes communautaires pour aider les gens à remplir leur demande de pardon. Dans le cadre de ce processus, des fonctionnaires, notamment au sein de la Commission des libérations conditionnelles, ont reconnu qu’une partie du problème réside dans la complexité du processus de demande, non seulement parce que certaines personnes n’ont pas d’ordinateur, comme je l’ai mentionné, mais aussi parce que le processus comporte des aspects techniques.
Il existe désormais des groupes qui sont financés pour s’en charger comme NAN Legal Services, un groupe nishnawbe aski, et ils le font. La Police provinciale de l’Ontario travaille avec eux pour les aider, car elle constate les injustices. Les groupes ne peuvent pas embaucher des personnes de leur propre communauté parce qu’elles ont un casier judiciaire, alors que ce sont des personnes qui, selon eux, seraient très utiles pour travailler dans ces domaines. C’est ce qu’ils font. En fait, je l’ai découvert parce qu’ils sont venus me voir pour me demander de soutenir le projet de loi que j’avais présenté précédemment, sans savoir que j’en étais la marraine.
La sénatrice Batters : En ce qui concerne la question dont vous avez parlé par rapport à la loi issue du projet de loi C-5, la possession de drogues, comme je l’ai noté ici — pardon, j’ai enchaîné les réunions de comités et je ne savais pas avant d’être déjà arrivée ici que vous alliez faire votre discours aujourd’hui, je ne suis donc pas aussi bien préparée que je le voudrais — je crois que vous avez déclaré que les casiers judiciaires pour possession de drogues expireraient automatiquement deux ans après la fin de la peine. Est-ce exact? Est-ce pour toutes les condamnations pour possession de drogues? Quelles sont les conditions requises pour cela?
La sénatrice Pate : Ce serait pour les cas de possession simple de drogues, soit le type de possession le moins grave. L’expiration était censée avoir lieu, il s’agissait déjà d’une directive ministérielle, dans laquelle le ministre disait essentiellement à tous les services chargés de l’application de la loi : « vous ne pouvez pas utiliser ces dossiers à cette fin », même si on ne dispose pas de la structure nécessaire pour procéder à leur retrait automatisé du système.
La sénatrice Batters : Merci. Voilà qui est intéressant. Le projet de loi C-5 date déjà de plusieurs années. Je remarque que vous avez fait référence au projet de loi C-93 de 2019. Je l’appelais le projet de loi du minuscule pardon pour possession de pot, car un nombre infime de personnes y étaient admissibles, comme vous l’avez souligné. Je me souviens qu’à l’étape de l’étude en comité, j’avais interrogé à ce sujet Ralph Goodale, le ministre de la Sécurité publique de l’époque, étant donné que c’était son projet de loi. J’ai noté que vous avez cité quelque chose qu’il avait dit en 2016, lorsqu’il avait parlé de l’importance d’accorder ce type de pardon. Pourtant, c’est lui qui a présenté le projet de loi de 2019 sur le pardon pour possession de cannabis.
Je crois que vous avez dit que le gouvernement estimait à seulement 10 000 le nombre de personnes admissibles, car les critères d’admissibilité étaient très stricts. En réalité, si je me souviens bien, seulement 13 % des demandeurs ont pu bénéficier de cette mesure, qui ne concernait qu’un très petit nombre de personnes. Il y a certainement beaucoup plus de personnes qui ont été condamnées pour possession de marijuana. Connaissez-vous ce chiffre? Pouvez-vous nous donner une estimation du nombre potentiel d’accusations pour possession de marijuana, si on ne tient pas compte de toutes ces exigences strictes?
La sénatrice Pate : Non, et c’est pourquoi je n’ai pas donné de chiffre précis. J’ai demandé cette information, et on estime que ce serait au moins le double, peut-être beaucoup plus.
La question est vraiment de savoir pourquoi les gens n’ont pas fait la demande. Ce n’est qu’un exemple anecdotique, aucune étude n’a été menée à ce sujet, mais lorsque j’ai commencé à discuter de ces questions avec différentes personnes et avec les organisations auxquelles étaient destinés les 18 millions de dollars pour aider les gens, l’une des raisons invoquées par les personnes qui ne présentaient pas de demande était que, dans certains cas, les casiers étaient si anciens qu’elles craignaient que le fait de se manifester pour obtenir leur élimination ne fasse remonter les faits à la surface. Il s’agissait parfois de grands-parents; leurs enfants n’étaient peut-être pas au courant, et leurs petits-enfants ignoraient certainement tout de leurs antécédents, et ils portaient toujours en eux cette stigmatisation. Même si, pour certaines personnes à qui j’ai parlé, il était important que leur casier judiciaire soit effacé, elles n’étaient pas disposées à se manifester. C’est en partie pour cette raison qu’elles ont opté pour un processus d’expiration automatique. La première version exigeait que les personnes se manifestent, mais elles n’étaient pas disposées à le faire, en particulier dans le cas des casiers judiciaires plus anciens.
La sénatrice Batters : Si je me souviens bien, lorsque les fonctionnaires du ministère de la Sécurité publique ont comparu devant le comité à ce sujet pour la première fois, ils ont avancé que 250 000 ou 300 000 personnes pourraient y être admissibles, mais lorsque les véritables calculs ont été faits, c’était bien peu. Ce n’est pas parce qu’ils ne pouvaient pas trouver les casiers, mais je crois que l’un des critères était que la personne ne pouvait avoir été reconnue coupable d’une autre infraction criminelle, même si l’infraction n’avait aucun rapport avec sa condamnation pour possession de marijuana.
J’aimerais vous poser une autre question. Si je ne m’abuse, vous avez dit dans votre discours — je me suis peut-être trompée en prenant mes notes — « les personnes ayant un casier judiciaire ne sont pas plus susceptibles que les autres de commettre un crime » ou quelque chose du genre.
(1600)
Quand je regarde les nouvelles canadiennes qui parlent des innombrables personnes fréquemment arrêtées pour des crimes graves, je constate souvent qu’il est mentionné dans le reportage que ces personnes étaient en liberté sous caution ou en liberté conditionnelle au moment des faits. Il semble que ce soit le cas dans au moins la moitié des nouvelles diffusées qui portent sur des crimes graves.
Ce que vous dites ne semble donc pas crédible. Cette affirmation ne semble tout simplement pas plausible. Je vous pose donc la question : sur quoi vous fondez-vous pour affirmer cela?
La sénatrice Pate : J’ai mentionné que M. Anthony Doob a mené des recherches à ce sujet. En fait, ce matin, il m’a envoyé de nouvelles informations sur les recherches relatives à la mise en liberté sous caution. Je vais les étudier attentivement et c’est avec plaisir que je les partagerai avec vous ensuite. Il s’agit de ses recherches et de celles de nombreuses autres personnes.
Certes, il y a des problèmes avec la mise en liberté sous caution. Toutefois, bon nombre de ces problèmes sont liés au fait que nous avons affaire à des personnes qui sont souvent sans abri. La raison pour laquelle elles sont incarcérées n’est pas nécessairement une question de sécurité publique, mais plutôt un manque de logement. En tant qu’avocate, vous savez que cela ne devrait pas être une raison pour incarcérer quelqu’un, d’où certaines des difficultés liées à la perception du public à l’égard de la mise en liberté sous caution.
Dans ce cas-ci, nous parlons de personnes qui ont purgé leur peine. La nouvelle étude montre que les personnes qui ont été libérées ont purgé leur peine. Elles vivent dans la société sans avoir commis d’infraction depuis cinq ans, sans avoir été l’objet d’une intervention de la police et sans avoir été visées par de nouvelles accusations. Elles ne sont pas plus susceptibles que vous, moi ou qui que ce soit d’autre de commettre une nouvelle infraction. Cette conclusion est fondée sur la période de stabilité qui suit le casier judiciaire, c’est pourquoi j’en parle dans mon discours.
La sénatrice Batters : J’aimerais recevoir cette recherche, si vous pouviez me la fournir.
Oui, dire qu’il s’agit d’une personne ayant un casier judiciaire qui n’a commis aucun crime — ou qui n’a été condamnée pour aucun crime, je suppose — pendant une période de cinq ans est une précision importante. Est-ce là le critère utilisé pour déterminer que ces personnes ne sont pas plus susceptibles que les autres de commettre un crime?
La sénatrice Pate : Si j’ai insisté là-dessus, c’est parce que c’est le délai prévu dans le projet de loi. Il serait de cinq ans pour une infraction punissable par mise en accusation, ce qui correspond aux délais initialement prévus lorsque le pardon a été instauré. Il était de deux ans pour les infractions punissables par procédure sommaire et de cinq ans pour les infractions punissables par mise en accusation. On revient à ces délais. Cela s’explique en partie par le fait que, dans les recherches menées à l’époque par le ministère du Solliciteur général et Sécurité publique Canada, c’étaient les délais en vigueur.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
Projet de loi sur le vote à seize ans
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat
La sénatrice McPhedran propose que le projet de loi S-222, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et le Règlement adaptant la Loi électorale du Canada aux fins d’un référendum, soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je commencerai comme suit.
[Français]
En tant que sénatrice du Manitoba, je reconnais que je vis sur le territoire du Traité no 1, le territoire traditionnel des peuples anishinabe, cri, oji-cri, dakota et déné, ainsi que la patrie de la nation métisse de la rivière Rouge.
Je remercie tous les sénateurs et sénatrices qui ont pris la parole pour débattre de l’élargissement du droit de vote, qu’ils soient favorables ou non à cette mesure. Un débat riche et ouvert ne peut qu’enrichir les délibérations du Sénat sur toute question soumise à notre Chambre.
Je suis particulièrement fière et profondément reconnaissante envers mes collègues du Sénat qui, lors du débat sur une version précédente de ce projet de loi, dans les derniers jours de la 43e législature en 2017, ont reconnu son potentiel et voté pour son renvoi en comité pour une étude approfondie. Il s’agissait du premier projet de loi sur le Vote16 à franchir l’étape de la deuxième lecture à la Chambre des communes ou au Sénat. D’accord ou non avec l’élargissement du droit de vote, une majorité a reconnu l’importance de confier à un comité le soin d’étudier et d’évaluer les mérites de ce projet de loi. Il s’agissait d’un signal clair de deux choses :
Premièrement, que nous reconnaissons et respectons l’importance des jeunes dans notre démocratie et que leur participation accrue dans le processus électoral mérite une étude et notre attention sincère.
Deuxièmement, que nous honorons notre devoir mandataire de prendre sérieusement en considération les questions d’importance nationale.
Comme beaucoup le savent, lorsque je suis arrivée dans cette Chambre, j’ai mis en place un comité consultatif de la jeunesse. En 2017, j’ai créé mon premier plan stratégique en collaboration avec un groupe diversifié de jeunes leaders, y compris des francophones, qui ont fait de l’élargissement du droit de vote leur priorité absolue.
En fait, la première organisation jeunesse nationale au Canada qui s’est concentrée sur les avantages du vote des jeunes de 16 et 17 ans a été la Fédération de la jeunesse canadienne-française il y a plus de 20 ans. Les jeunes défendent le Vote16 jusqu’à ce jour.
Je reconnais qu’il existe des opinions variées sur cette question, mais j’espère que vous conviendrez que nous devons d’abord et avant tout examiner les propositions législatives qui nous sont présentées. Les données probantes qui appuient la baisse de l’âge pour voter sont multiples, et je vous invite à visiter notre site Web voteseize.ca. Vous y trouverez notre collection de discours au Sénat et un examen complet des preuves recueillies, notamment des données, des recherches universitaires empiriques, des documents sur les avantages culturels et sociaux et des décennies de récits d’expériences compilés par des pays pionniers comme l’Autriche, l’Écosse et le Brésil — maintenant 17.
Depuis que j’ai présenté ce projet de loi il y a sept ans, les données, les études universitaires et les preuves concrètes de ses bienfaits n’ont fait que s’accumuler.
Pour résumer les preuves de l’élargissement du droit de vote en démocratie : rien de grave ne se produit.
[Traduction]
Chers collègues, je me permets de le répéter : la synthèse des données issues de la recherche sur les répercussions de l’élargissement du droit de vote aux jeunes de 16 et 17 ans sur les démocraties montre que cela n’a rien d’inquiétant.
Depuis l’introduction de mon premier projet de loi sur le vote à 16 ans, la tendance mondiale à l’élargissement du droit de vote s’est poursuivie. Comme c’est pertinent pour le contexte canadien, il convient de mentionner l’annonce sans précédent faite récemment par le gouvernement du Royaume-Uni, qui compte 70 millions d’habitants dans quatre pays, selon laquelle les jeunes de 16 et 17 ans pourront voter lors des prochaines élections.
Le premier ministre a déclaré lors de l’annonce :
Si vous pouvez travailler, si vous pouvez payer des impôts, si vous pouvez servir dans les forces armées, alors vous devriez pouvoir voter.
Le premier ministre du Royaume-Uni n’est pas le seul à penser ainsi. Ceci s’adresse à mes chers collègues conservateurs.
(1610)
Le très honorable Damian Green, un conservateur britannique, a soulevé le point suivant :
Traditionnellement, les conservateurs s’opposent à l’idée d’accorder le droit de vote aux jeunes de 16 ans sous prétexte qu’ils n’ont pas acquis assez de maturité, qu’ils ne paient pas d’impôts et qu’ils ne ressentent donc pas les conséquences d’un éventuel vote [...] Cette réponse traditionnelle mérite d’être examinée plus attentivement.
Il fait valoir que le soutien des conservateurs montrerait :
[...] que nous sommes convaincus de pouvoir présenter nos arguments à une nouvelle génération. Nous pourrions les initier non seulement à la bonne habitude de voter aux élections, mais aussi à celle, encore meilleure, de voter conservateur.
Il est appuyé par une autre voix conservatrice, soit Ruth Davidson, ancienne cheffe des conservateurs écossais, qui a déclaré ceci :
[...] j’ai observé des jeunes de 16 et 17 ans et débattu devant eux tout au long du référendum [...] Ma position a changé. Nous considérons que les jeunes de 16 ans sont suffisamment adultes pour s’engager dans l’armée, avoir des relations sexuelles, se marier, quitter le domicile familial et travailler à plein temps. Les résultats du référendum indiquent qu’ils sont manifestement assez vieux pour voter aussi.
Bien que le droit de vote à 16 ans ait déjà été adopté dans de nombreux pays, la réforme britannique est particulièrement intéressante pour le Canada. Premièrement, le système démocratique au Canada est fondé sur le modèle de Westminster. En effet, à ce jour, nous continuons d’avoir un chef d’État commun. Deuxièmement, le Royaume-Uni compte 70 millions d’électeurs, ce qui en fait l’un des plus grands exemples d’élargissement de l’âge de voter dans le monde. Troisièmement, il y a 50 ans, le Royaume-Uni a étendu le droit de vote aux jeunes de 18, 19 et 20 ans, et le Canada a fait de même peu après.
Le principal argument en faveur du projet de loi est assez simple et évident : nous devrions abaisser l’âge électoral à 16 ans, car d’innombrables preuves confirment que les Canadiens âgés de 16 et 17 ans sont suffisamment mûrs, informés et prêts à exercer leur droit de vote aux élections fédérales, au même titre que les personnes de 18 ans et plus.
L’abaissement de l’âge électoral augmentera la participation électorale en offrant aux jeunes la possibilité de voter pour la première fois dans un environnement encadré par leur école et leur famille. De plus, nous savons que plus les nouveaux électeurs commencent à voter jeunes, plus ils sont susceptibles de continuer à voter à l’avenir. Il est lamentablement paradoxal que les bureaux de vote soient souvent situés dans les écoles secondaires et que la plupart des élèves doivent regarder de loin les autres exercer leur droit de vote.
Il ne s’agit pas là d’affirmations anecdotiques. Nous connaissons ces faits parce qu’un nombre croissant de recherches quantifiables le confirment. Elles sont menées principalement en Europe, mais pas pour longtemps. Je suis ravie de vous inviter à deux tables rondes universitaires sur la résilience démocratique qui auront lieu ici, au Sénat. Le 5 novembre, des universitaires et des étudiants autochtones examineront les recherches qui doivent être menées au Canada sur la résilience démocratique, et le 19 novembre, ils se joindront à d’autres collègues canadiens pour approfondir cette question dans le contexte canadien.
Chers collègues, je sais que ce débat est nouveau pour beaucoup d’entre vous. Je souhaite donc aborder plusieurs des questions et objections soulevées au fil des ans, qui sont en grande partie procédurales plutôt que fondamentales. Ce faisant, j’espère démontrer la légitimité de ce projet de loi et le rôle essentiel que le Sénat peut et doit jouer en le renvoyant au comité pour une étude approfondie.
L’âge requis pour voter a changé au fil du temps, à mesure qu’évoluaient les conventions et les normes sociales. Il ne faut pas le confondre avec l’âge de la majorité, comme l’ont fait valoir certains sénateurs, ne serait-ce que parce que l’âge de la majorité lui-même n’est pas uniforme au Canada, puisqu’il est de 18 ans dans six provinces, de 19 ans dans les quatre autres provinces et dans les trois territoires, et de 18 ans sur le plan fédéral.
Les jeunes Canadiens jouissent de nombreux droits et privilèges juridiques qui ne sont pas du tout liés à l’âge de la majorité, comme la conduite automobile, le travail, le service militaire ou le consentement médical et sexuel. Ces responsabilités fondées sur l’âge s’appuient sur la maturité, la responsabilité et la capacité nécessaires pour prendre des décisions analytiques solides et indépendantes pour chaque tâche.
La capacité de voter est conforme à cette science. C’est un fait scientifique que le développement neurocognitif nécessaire à la prise de décisions raisonnées est aussi développé chez une personne de 16 ans que chez une personne de plus de 18 ans.
La docteure Sarah-Jayne Blakemore, neuroscientifique et professeure à Cambridge, a écrit ceci :
Ils peuvent peser les arguments, penser de façon abstraite et penser aux conséquences à long terme. Ce type de réflexion prudente et délibérée utilisée dans des situations de tranquillité s’appelle la cognition froide. C’est le genre de décision qu’implique généralement le vote.
Un autre sénateur a déjà soutenu que le « gros bon sens » nous disait de ne pas poursuivre ce débat. Eh bien, à mon avis, c’est le gros bon sens qui dit que nous devons le poursuivre. Nous savons que les jeunes peuvent raisonner aussi clairement et logiquement que les adultes — la science de la cognition froide nous le dit —, et le gros bon sens exige que nous nous demandions si le moment est venu d’élargir le droit de vote.
Un autre sénateur nous a demandé de réfléchir à l’âge de la sagesse qui conviendrait pour avoir qualité d’électeur. Je reconnais que c’est une belle question, mais elle n’est pas pertinente. La sagesse peut être synonyme de bon sens et de jugement, qui s’approfondissent souvent avec l’âge et l’expérience, mais elle n’est pas une condition préalable pour avoir qualité d’électeur. Nous connaissons tous de nombreux Canadiens, jeunes et moins jeunes, qui choisissent de s’informer, de s’engager et de s’impliquer dans leur collectivité, de se tenir au courant des événements politiques et qui formulent de manière réfléchie leurs propres préférences et positions politiques. Pour être honnêtes, nous connaissons aussi beaucoup d’autres personnes qui choisissent de ne pas le faire. La baisse du taux de participation aux élections à travers le Canada témoigne de ce désengagement. Cependant, nous ne limitons pas le droit de vote à ceux qui font preuve d’un certain niveau d’engagement ou de connaissances.
D’ailleurs, la sagesse consiste à savoir qu’il est fondamentalement erroné d’agir ainsi. Il n’existe pas de test de connaissances préalable pour qualifier un électeur. On se base simplement sur un âge minimum arbitraire à partir duquel on estime que les gens sont capables de prendre des décisions éclairées. Depuis un demi-siècle, cet âge est fixé à 18 ans. Auparavant, il était de 21 ans, et avant cela, de 25 ans. Il n’y a pas si longtemps dans notre histoire, les femmes et les Autochtones se voyaient refuser le droit de vote, essentiellement parce qu’ils étaient jugés inaptes, ce qui fait écho à de nombreux arguments avancés maintenant contre les jeunes de 16 ans et de 17 ans.
Songez au fait que tous les partis politiques accueillent les jeunes de 14 ans comme étant pleinement capables de servir de délégués votants. Ils leur confient tous les droits nécessaires pour prendre des décisions électorales raisonnées et éclairées quant au choix des candidats à la députation et même d’un futur premier ministre potentiel, mais, d’un autre côté, ils les jugent incapables de voter lors d’une élection générale nationale.
Honorables sénateurs, c’est peut-être précisément pour ces raisons que ce projet de loi mérite d’être examiné attentivement par un comité sénatorial.
Je passe à un autre contre-argument soulevé au Sénat, à savoir que si nous considérons que les jeunes Canadiens sont prêts à voter à 16 ans, nous devrions également abaisser toutes les autres restrictions liées à l’âge, notamment pour la consommation d’alcool. La science souligne que, sur le plan du fonctionnement et du développement neurologiques, la cognition froide diffère de la cognition chaude, qui est davantage liée à l’émotion en tant que motivation. Cet aspect du développement neurologique prend plus de temps à mûrir, car, contrairement à la cognition froide, il est fortement influencé par la croissance hormonale et physiologique continue. C’est pourquoi le Canada autorise la conduite automobile à 16 ans, mais limite la consommation d’alcool et de drogues légalisées, qui cible les processus émotionnels et le contrôle physique, à 18 ou 19 ans.
Aux États-Unis, ce phénomène est encore plus marqué. On peut s’engager dans l’armée à 17 ans, voter à 18 ans, mais on ne peut boire de l’alcool qu’à partir de 21 ans. Nous faisons déjà la distinction entre ces capacités en droit, et le droit de vote s’apparente clairement au raisonnement, et non à la consommation d’alcool.
(1620)
Les recherches médicales montrent que plus l’âge légal pour consommer de l’alcool est élevé, meilleurs sont les effets pour la santé publique, mais les recherches sur le vote montrent que plus l’âge de voter est bas, plus les résultats démocratiques sont solides. Des études menées dans toute l’Europe montrent que l’abaissement de l’âge de voter augmente la participation aux élections, favorise l’adoption d’habitudes de vote tout au long de la vie, et encourage même les générations plus âgées à renouer avec la démocratie.
Comme je le dis souvent, permettre aux gens de voter à un plus jeune âge, c’est leur permettre de voter plus longtemps.
Lors du débat sur mon projet de loi, le projet de loi S-201, le sénateur Plett, en tant que porte-parole de l’opposition, a soulevé des points qui méritent d’être répétés, car je suis d’accord avec lui. Il a reconnu que la Charte des droits et libertés garantissait le droit de vote aux Canadiens sans préciser d’âge, de sorte que nous ne devions plus nous demander « pourquoi » abaisser l’âge de voter, mais plutôt « pourquoi pas ».
En effet, un groupe de jeunes Canadiens a intenté une contestation en vertu de la Charte, soutenant que l’âge actuel du droit de vote était contraire aux articles 3 et 15 de la Charte des droits et libertés, et donc inconstitutionnel. Dans une décision historique rendue en 2022, la Cour suprême de Nouvelle-Zélande a estimé que l’âge actuel du droit de vote, fixé à 18 ans, constituait une restriction discriminatoire et injustifiée des droits consacrés dans la déclaration des droits de Nouvelle-Zélande. Il convient de noter que les rédacteurs de cette dernière se sont inspirés du modèle canadien pour élaborer leur propre modèle.
En tant que porte-parole responsable d’une version antérieure du projet de loi sur le vote à 16 ans, le sénateur Plett a cité la Commission Lortie de 1991, chargée d’examiner l’âge de voter au Canada. L’engagement des jeunes et des adultes a été comparé dans trois domaines : premièrement, la mesure dans laquelle les personnes devant obtenir le droit de vote avaient un intérêt dans la gouvernance de la société; deuxièmement, la mesure dans laquelle on pouvait s’attendre à ce qu’elles votent de façon mûre et éclairée; et troisièmement, le niveau de participation à des activités citoyennes. Sur ces trois critères, la commission a conclu que les jeunes étaient à égalité avec les adultes.
Le sénateur Plett s’est appuyé sur le fait que la commission n’était pas parvenue à un consensus sur l’abaissement de l’âge de voter. Cependant, il a omis des conclusions importantes dans les recommandations formulées par cette commission royale. Voici un extrait de la page 57 du rapport :
Depuis la Confédération, le droit de vote a été graduellement étendu pour inclure un nombre sans cesse croissant de Canadiens et Canadiennes. Au fil des ans, il est possible que l’abaissement de l’âge électoral devienne une revendication plus pressante de la part des intéressés et que ce projet finisse par recueillir l’appui des Canadiens et Canadiennes [...] Au Canada, l’âge électoral n’est pas inscrit dans la Constitution. Il est donc facile de le modifier. En conséquence, nous recommandons que [...] le Parlement revoie la question périodiquement.
Cela fait plus de 50 ans que le Parlement n’a pas sérieusement réexaminé cette question. Au cours de ce demi-siècle, les sciences et les neurosciences ont considérablement amélioré notre compréhension de la maturité, du raisonnement et de la compréhension des jeunes. Au cours de ces 50 années, les jeunes Canadiens ont été invités à assumer plus de responsabilités ainsi qu’à devenir plus politisés et engagés sur le plan politique, et ils sont plus directement touchés par des décisions sur lesquelles ils n’ont que peu ou pas d’influence.
Diverses études menées à l’échelle mondiale et au Canada ont révélé que les jeunes de 16 et 17 ans ne comprennent pas moins bien les enjeux politiques que les adultes; dans certains cas, ils sont aussi bien informés, voire mieux informés que les adultes. De même, Élections Canada a constaté que les jeunes de 16 à 17 ans montrent autant, voire plus, d’intérêt pour la participation à divers forums d’activité politique que les électeurs plus âgés, qu’il s’agisse d’activités électorales ou d’activités civiques non électorales.
Au cours des cinq dernières décennies, des pays du monde entier ont pris conscience de cette réalité et ont accordé le droit de vote aux jeunes de 16 et 17 ans, ce qui a eu des effets positifs concrets : une participation accrue des jeunes, des habitudes civiques mieux ancrées et un engagement plus marqué dans toutes les générations. Rien que cette année, trois villes aux États-Unis ont abaissé l’âge du droit de vote à 16 ans.
Nous disposons désormais de recherches et de ressources internationales qui nous offrent plus d’options pour revitaliser notre démocratie. Je suis particulièrement encouragée par le document « A Roadmap to Votes at 16 » du Democracy Classroom Network, qui définit 16 mesures visant à garantir que l’abaissement de l’âge du droit de vote « devienne une étape transformatrice pour la démocratie britannique », y compris le droit garanti à une éducation démocratique, un soutien ferme aux enseignants et des possibilités accrues pour les jeunes en matière de leadership et d’influence. S’appuyant sur des outils permettant de lutter contre la mésinformation sur les réseaux sociaux, de comprendre les chambres d’écho et de rendre le dialogue civique plus mobilisateur, ce document est publié alors que le gouvernement britannique s’apprête à présenter sa stratégie pour la jeunesse dans le cadre de la révision des programmes et des évaluations scolaires, laquelle contient des décisions qui façonneront l’engagement national des jeunes.
Le Canada et le Royaume-Uni étant liés par une Couronne et un héritage constitutionnel communs, leur leadership reflète un changement mondial qui mérite l’attention du Sénat.
Certains sénateurs estiment que ce n’est pas le lieu approprié pour mener cette discussion et que les projets de loi touchant la Loi électorale du Canada devraient être présentés par la chambre élue. Pour citer le sénateur Tannas à ce sujet :
Je crois que compte tenu de sa teneur, ce n’est pas un projet de loi qui devrait provenir du Sénat, car il porte sur l’élection des députés à la Chambre des communes [...] À mon avis, ce serait irrespectueux de la part du Sénat de chercher de manière proactive à modifier le processus électoral des députés fédéraux, mais ce n’est que mon avis.
J’ai du respect pour le sénateur Tannas et je respecte son opinion, même si je ne la partage pas. Soulignons que les opinions n’ont pas préséance sur les règles, les conventions ou les précédents parlementaires. Le Règlement n’empêche aucunement un sénateur de présenter un projet de loi sur quelque sujet que ce soit. La Loi constitutionnelle de 1982 accorde au Sénat autant de pouvoirs législatifs que la Chambre des communes, sauf en ce qui concerne les projets de loi de finances, comme nous le savons tous. De plus, au cours des 20 dernières années, le Sénat du Canada a présenté 15 projets de loi visant à modifier la Loi électorale du Canada. L’un d’eux était un projet de loi du gouvernement. L’un de ces projets de loi d’intérêt public a été adopté par le Sénat et renvoyé à l’autre endroit.
L’un de ces importants projets de loi d’intérêt public du Sénat proposait le vote obligatoire. Cette proposition a fait l’objet d’un débat vigoureux à l’étape de la deuxième lecture. L’un de ces projets de loi — et cela devrait retenir l’attention de quelques-uns de mes collègues — a été présenté par l’ancienne sénatrice Frum. Il proposait d’interdire les contributions étrangères aux entités politiques. Ce projet de loi a été renvoyé au comité moins d’un an après sa présentation.
Les sénateurs trouveront peut-être intéressant de savoir qu’à aucun moment, au cours du débat sur l’un ou l’autre de ces projets de loi liés aux élections, les sénateurs de quelque parti politique que ce soit n’ont soulevé l’objection selon laquelle les projets de loi visant à modifier la Loi électorale du Canada ne devraient pas venir du Sénat, jusqu’à ce que je présente mes projets de loi visant à abaisser l’âge du vote à 16 ans.
Lors de la dernière session, quelqu’un au Sénat a laissé entendre à tort que tous les partis s’étaient opposés au projet de loi sur le vote à 16 ans à la Chambre des communes. En fait, le NPD, le Bloc et le Parti vert ont tous voté à l’unanimité en faveur du projet de loi, tout comme plus de 20 députés du parti au pouvoir qui ont courageusement désobéi à leur whip. Ensemble, ces députés représentaient plus de 30 % des électeurs à l’échelle nationale — soit plus de 4 millions de Canadiens — lors des élections de 2021.
Chers collègues, notre travail consiste à apporter des changements progressifs. Ce vote raconte une autre histoire, celle d’une acceptation croissante de l’élargissement du droit de vote afin de revitaliser notre démocratie, et de témoignages clairs de la part de nombreux Canadiens, peut-être en particulier ceux dont la voix ne peut être entendue actuellement au Parlement, à moins que nous continuions à leur ouvrir la voie en les invitant à s’adresser directement aux sénateurs au comité.
Les données sont claires. Le moment est venu d’agir.
J’ai été profondément honorée par le niveau de soutien dont ont bénéficié mes projets de loi visant à abaisser l’âge du vote à 16 ans. Plus de 50 organisations de la société civile ont soutenu une déclaration commune réclamant l’élargissement du droit de vote, notamment L’apathie c’est plate, l’Association francophone des parents du Nouveau-Brunswick, la Fédération des enseignantes et des enseignants de la Colombie-Britannique, la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants, le Congrès du travail du Canada, la Fondation canadienne des femmes, le Conseil jeunesse provincial de la Nouvelle-Écosse, le Mouvement pour la représentation équitable au Canada, Fair Voting BC, Franco-Jeunes de Terre-Neuve et du Labrador, l’Association manitobaine des droits et libertés, Operation Black Vote Canada, la PEI Coalition for Women’s Leadership, le Samara Centre for Democracy, UNICEF Canada et Jeunesse Ottawa.
(1630)
Étant libre des pressions et des préjugés liés au cycle électoral et à la partisanerie, le Sénat n’est-il pas le mieux placé pour entreprendre l’étude tant attendue de cette question importante? En soi, le Sénat est censé participer au processus législatif d’une manière qui le soustrait aux pressions du cycle électoral et à la politique partisane du moment.
Comme notre estimé collègue le sénateur Harder le soutenait dans la Revue nationale de droit constitutionnel :
Parce que les sénateurs étaient nommés pour un long mandat, il était prévu à l’origine qu’ils ne placeraient pas les intérêts et le sort des partis politiques au cœur de leurs délibérations. Les sénateurs adopteraient plutôt une approche indépendante et objective et exerceraient un jugement libre de toute pression électorale ou partisane.
Parce que les sénateurs sont libres des pressions, des contraintes et des impératifs du cycle électoral, ils peuvent prendre plus de recul et être plus nuancés au sujet de la réforme de l’âge du droit de vote, ce qui n’est peut-être pas possible pour un élu, qui est exposé à la partialité et aux pressions, connues et inconnues, inhérentes à ses fonctions.
Chers collègues, que ce soit bien clair : nous ne demandons pas ici un vote définitif sur ce projet de loi. Nous demandons qu’il soit renvoyé à l’étape de l’étude en comité pour un examen approfondi et substantiel. Le comité est le forum approprié pour examiner les faits, entendre les experts et les Canadiens directement touchés par cette mesure législative et explorer toutes les questions ou préoccupations des sénateurs. Les arguments, principalement techniques, qui ont été présentés dans le passé ne sont plus pertinents dans cette législature. Il n’y a aucun obstacle juridique ou constitutionnel à l’étude de ce projet de loi.
Le seul obstacle serait celui que nous choisirions de créer nous-mêmes. En renvoyant ce projet de loi au comité, nous préserverons l’intégrité du processus législatif et démontrerons notre confiance dans la capacité unique du Sénat de se pencher sur une question de manière responsable et indépendante.
Je tiens vraiment à vous convaincre de l’utilité d’examiner ce projet de loi, du bien-fondé de le faire ici, au Sénat, et, par le fait même, de nous acquitter de notre responsabilité d’être la voix de ceux qui n’en ont pas ou qui sont sous-représentés.
En outre, en tant que sénateurs, nous avons un rôle unique à jouer à l’égard de cette question de nature délicate, précisément parce que nous sommes à l’écart des pressions du cycle électoral. Je vous prierais de tenir compte des pensées et réflexions suivantes de nos collègues sénateurs.
Le 11 mai 2023, l’ancien président Furey nous a rappelé que le Sénat n’est pas une Chambre comme les autres. Il a dit :
Dans la poursuite du bien commun, les sénateurs sont les mieux placés pour résister à la pression sociale, ce qui n’a jamais été aussi important que dans le monde actuel.
Nous ne sommes pas liés par les pressions immédiates des élections. Nous pouvons regarder vers l’avenir, nous concentrer sur le long terme et appliquer nos connaissances et notre expérience pour renforcer le discours public.
Le 20 avril 2023, le sénateur Housakos l’a clairement exprimé :
[...] quand le Sénat a été créé, le « père de la Confédération », John A. Macdonald, a clairement dit [...] qu’il devait être le porte-voix de ceux qui n’étaient pas représentés adéquatement à l’autre endroit.
Je me souviens également des paroles de la sénatrice Wallin :
Nous ne sommes pas tenus par la loi ni par la Constitution de nous en remettre à la Chambre élue, qui a des droits et des pouvoirs, tout comme le Sénat.
Cette indépendance s’accompagne d’une responsabilité : le devoir d’étudier les projets de loi de manière approfondie.
Le 21 juin 2023, l’ancien sénateur Cotter a peut-être exprimé cette idée mieux que quiconque :
L’un des avantages d’avoir étudié le projet de loi en premier — ce qui a pour ainsi di[re] fait de nous la Chambre de premier examen objectif —, c’est le plus grand degré de liberté et d’ouverture dont nous avons disposé pour élaborer les amendements, y compris les amendements du gouvernement [...]
Même lorsque les sénateurs s’opposent à un projet de loi, ils comprennent que l’étude en comité est essentielle à une délibération complète et mesurée du Sénat.
Pour citer le sénateur MacDonald qui s’exprimait à propos d’un projet de loi proposant un revenu universel de base, le 18 avril 2023 :
[...] je sais qu’il ne bénéficie d’aucun appui de la part de notre caucus. Cependant, tous les projets de loi méritent de pouvoir être étudiés en comité.
Le 19 mars 2024, le sénateur Plett a repris le principe :
[...] j’ai toujours dit que je suis en faveur du renvoi des projets de loi aux comités. Il serait incohérent et hypocrite de ma part de tenter d’empêcher le renvoi au comité dans ce cas-ci.
Pourquoi les études menées par les comités sont-elles importantes? Parce que les débats publics sont souvent chaotiques, tandis que les comités sénatoriaux sont rigoureux. Le 27 septembre 2022, le sénateur Woo a fait allusion à cela :
[...] les tenants et les opposants à cette idée présentent souvent une version différente [...] et, partant, tiennent un dialogue de sourds. [Un comité sénatorial] il fera une contribution positive à une importante question de politique publique, peu importe que le projet de loi dont nous sommes saisis soit adopté ou non.
Le sénateur Woo parlait du revenu universel de base, mais c’est la même chose pour le vote à 16 ans. Renvoyer le projet de loi au comité permettrait à des experts, à des universitaires, à des militants et, surtout, à des jeunes de venir témoigner, ce qui nous permettrait de mieux comprendre la question et qui éclairerait profondément notre prise de décision. Il faut entendre des gens sur cette question, et, quand les Canadiens font entendre leur voix, le Sénat doit les écouter.
Le 20 avril 2023, le sénateur Housakos a déclaré ceci :
Il arrive aussi que nous, législateurs, entendions un tel mécontentement [...] que nous ayons l’obligation à la fois constitutionnelle et morale, je pense, de faire en sorte que leurs voix soient entendues.
Chers collègues, il y a des Canadiens qui attendent depuis des années d’être entendus sur le vote à 16 ans. Qu’allons-nous leur répondre? Il s’agit d’une question qui prend de l’ampleur et qui ne fera qu’en prendre de plus en plus. C’est ce que montrent les données, le soutien du public et le poids croissant des témoignages émanant du Canada et du reste du monde. Le mouvement prend de l’ampleur et n’a pas encore atteint son point culminant, mais on y arrivera. Je crois sincèrement que les parlementaires et les partis politiques peuvent saisir cette occasion de faire preuve de leadership à l’échelle nationale afin de canaliser ce mouvement pour orienter positivement sa trajectoire, sinon il nous ensevelira probablement, et nous serons écartés comme des opposants retranchés.
De jeunes Canadiens sont à l’avant-garde de cette vague. À Toronto, grâce au travail de jeunes organisateurs comme Sarah Morra et Aleksi Toiviainen, ainsi qu’à celui de plus de 20 organisations de la société civile œuvrant dans les domaines de la sécurité publique, des droits des personnes handicapées, du transport en commun, de la réforme démocratique, de la mobilisation des jeunes et des espaces publics, le conseil municipal de Toronto s’est prononcé en avril dernier en faveur de la participation des jeunes de 16 et 17 ans à des votes sur des enjeux concernant les quartiers. Grâce à ce changement, la plus grande ville du Canada permettrait aux électeurs de commencer à voter pendant leur jeunesse, dans un milieu familier et favorable.
Sarah s’est également adressée au conseil municipal de Port Hope, en Ontario, en juin dernier. Citant les récentes avancées réalisées à Toronto ainsi qu’à Montréal, Mont-Saint-Hilaire et Vancouver, où les jeunes de 16 et 17 ans ont été inclus dans des processus participatifs d’établissement d’un budget, Sarah a fait valoir ceci :
Quand les jeunes participent tôt à la vie civique, ils découvrent la citoyenneté active et leurs responsabilités civiques, ce qui augmente les chances qu’ils restent mobilisés tout au long de leur vie adulte.
(1640)
Aux côtés des militants pour les droits de la jeunesse Paaven Ghuman et Sam Nadurata, qui ont organisé une pétition parmi les jeunes de Port Hope, le groupe a demandé au conseil municipal d’autoriser les jeunes de 16 et 17 ans à siéger à des comités consultatifs comme celui des parcs, des loisirs et de la culture et celui de l’environnement. Le groupe a passé des mois à étudier les processus décisionnels de la Ville, à affiner sa proposition et à discuter avec le personnel du conseil municipal et la mairesse. Le conseil municipal a voté à l’unanimité pour renvoyer officiellement cette proposition à son comité consultatif chargé de la révision des règlements municipaux et élargir la participation des jeunes dans le cadre de ce processus.
Je suis tout à fait d’accord avec les propos du conseiller Todd Attridge, qui a déclaré ce jour-là : « Chaque fois que des jeunes viennent nous parler, je suis toujours impressionné. »
Je tiens également à souligner l’initiative de certains membres de mon conseil consultatif des jeunes à Winnipeg, au Manitoba, qui ont organisé une rencontre avec les membres du conseil municipal de notre ville. Winnipeg est ainsi devenue l’une des premières villes au monde à se déclarer ville sans nucléaire, et c’est directement grâce à l’organisation et à l’information des jeunes, qui ont veillé à ce que les conseillers municipaux soient bien préparés avant le vote.
Au cours de l’été dernier, le comité spécial sur la réforme démocratique et électorale de la Colombie-Britannique a organisé des consultations à l’échelle de la province, au cours desquelles des particuliers et des groupes ont présenté des exposés sur les moyens d’accroître la participation électorale et l’engagement démocratique dans la province. Sur les 41 exposés qui comprenaient un avis sur l’âge de voter, 93 % étaient favorables à son abaissement à 16 ans.
Le sénateur Harder a longtemps défendu avec vigueur le rôle indispensable que le Sénat peut jouer en donnant une tribune à des voix qu’on entend rarement :
La deuxième Chambre joue un rôle [...] en représentant les plus petites régions et en défendant l’intérêt des minorités pour qu’elles ne soient pas complètement oubliées en présence de la majorité.
Il a également dit ceci :
[...] [C]’est la fonction du Sénat de détecter et de communiquer les perspectives et les opinions que le système représentatif de la Chambre des communes ne parvient pas à exprimer adéquatement [...]
Ce point a également été soulevé d’une autre façon par l’humoriste Rick Mercer, qui a été cité par l’ancien député Scott Simms en appui à la proposition d’abaisser l’âge du vote à 16 ans :
Si j’avais 16 ans, j’écrirais à mon député, je me plaindrais, sauf que si j’avais 16 ans, ils se moqueraient de ce que j’aurais à dire car je n’aurais pas le droit de voter et c’est là le problème.
Une étude en comité permettrait au Sénat d’entendre de jeunes Canadiens, d’évaluer les données probantes et d’effectuer le second examen objectif et indépendant qu’il est censé offrir.
Enfin, je me souviens de ce que la sénatrice Batters a affirmé dans cette enceinte le 25 avril 2023, lors du débat sur un autre projet de loi controversé. Elle a dit que limiter le débat sur des questions importantes « fait fi des intérêts des minorités que les sénateurs ont juré de protéger ».
Elle a aussi dit avec éloquence :
Dans cette enceinte, l’un de nos rôles en tant que sénateurs est de préserver les droits et les intérêts des minorités qui risquent d’être bousculées dans une Chambre des communes élue selon le principe de la représentation par population.
Ce qui était vrai à l’époque l’est encore aujourd’hui. Chers collègues, c’est précisément pour cette raison qu’une étude sur l’abaissement de l’âge électoral a sa place ici. Nous avons l’autorité. Nous avons l’indépendance. Nous avons la responsabilité. Fions-nous aux données. Écoutons les jeunes. Donnons au Canada les orientations qu’il mérite. L’abaissement de l’âge du droit de vote à 16 ans ne consiste pas simplement à ajouter des noms sur les listes électorales. Il s’agit de renouveler et de renforcer les institutions démocratiques du pays à un moment où elles sont mises à rude épreuve.
Ici, au Canada, le taux de participation électorale a fortement baissé au cours des 40 dernières années, et la confiance envers le Parlement et les institutions publiques s’est affaiblie. Partout dans le monde, des forces similaires sont à l’œuvre : polarisation, désengagement et cynisme. La meilleure réponse à ces pressions n’est pas de restreindre la participation, mais de l’élargir, d’inviter davantage de Canadiens à participer au processus afin de leur montrer que leur voix compte et de leur faire comprendre clairement que notre démocratie leur appartient.
Les données montrent que cette approche fonctionne. En Autriche, où les jeunes de 16 ans votent depuis 2007, le taux de participation de ce groupe est comparable — et souvent supérieur — à celui des personnes plus âgées qui votent pour la première fois. Lors du référendum sur l’indépendance en Écosse, le taux de participation des jeunes de 16 et 17 ans a été estimé à 75 %, un taux supérieur à celui des jeunes plus âgés de quelques années seulement. Une étude plus récente menée en Écosse a confirmé que les jeunes qui ont obtenu le droit de vote à 16 ou 17 ans ont tendance à voter dans des proportions plus élevées non seulement à leurs premières élections, mais aussi aux élections suivantes, alors qu’ils sont dans la vingtaine.
Ces données m’amènent à l’un des arguments les plus convaincants en faveur de l’élargissement du droit de vote aux jeunes de 16 et 17 ans : le développement de saines habitudes démocratiques. Ici, au Canada, Élections Canada a toujours démontré que voter est une habitude qui s’acquiert. Les jeunes Canadiens qui votent lors des premières élections auxquelles ils peuvent voter sont beaucoup plus susceptibles de continuer à voter tout au long de leur vie. Or, s’ils manquent cette première occasion, leur désengagement a tendance à persister. À l’heure actuelle, notre système introduit le droit de vote à un moment de perturbation, où les jeunes quittent souvent la maison, commencent à travailler ou entreprennent des études postsecondaires et où ils sont le moins enracinés dans leur collectivité. En abaissant l’âge du droit de vote à 16 ans, alors que la plupart des jeunes sont encore à l’école et dans un environnement stable, nous leur offrons les meilleures conditions possibles pour adopter cette habitude qu’ils garderont toute leur vie.
Le fait de donner plus de pouvoir aux jeunes Canadiens plus tôt n’affaiblirait aucunement notre démocratie; au contraire, on rendrait notre démocratie plus résiliente, plus participative, plus représentative et plus forte face aux forces qui cherchent à l’éroder.
Les recherches montrent également un effet d’entraînement vers le haut. Quand les jeunes participent, leurs parents et grands-parents sont plus enclins à participer eux aussi. En d’autres termes, élargir le bassin de personnes en âge de voter ne renforce pas seulement la participation des jeunes, mais aussi celle de l’ensemble de la société.
Comme l’a récemment déclaré le directeur général des élections des Territoires du Nord-Ouest :
Dans les régions où l’âge de voter a été abaissé, on a constaté que les jeunes de 16 et 17 ans votent plus que les 18 à 24 ans [...] mais ils sont aussi plus susceptibles de voter aux prochaines élections, et à celles d’après.
Je ne suis pas ici aujourd’hui pour vous convaincre des avantages de l’élargissement...
Son Honneur le Président intérimaire : Sénatrice McPhedran, votre temps de parole est écoulé.
La sénatrice McPhedran : Puis-je demander trois minutes de plus?
Son Honneur le Président intérimaire : D’accord?
Des voix : D’accord.
La sénatrice McPhedran : Je vous remercie sincèrement, chers collègues.
Je vous exhorte à renvoyer ce projet de loi à un comité afin que nous puissions tous en apprendre un peu plus sur ses bienfaits potentiels. Le projet de loi S-222 n’est pas une proposition radicale. Dix-sept pays, dont l’Écosse, l’Allemagne et le Royaume-Uni, élargissent actuellement l’âge de voter à l’échelle nationale, provinciale ou locale. Nous avons beaucoup à apprendre de cette expérience. Si le gouvernement britannique a la lucidité d’élargir l’âge de voter, cette Chambre peut certainement manifester la curiosité de découvrir pourquoi.
(1650)
Je me réjouis à la perspective d’entendre la porte-parole de l’opposition pour ce projet de loi, la sénatrice Mary Jane McCallum, ainsi que tous les autres sénateurs qui souhaitent prendre la parole. Si vous êtes incertain du bien-fondé de ce projet de loi, si vous êtes indécis ou même si vous êtes simplement curieux, veuillez renvoyer ce projet de loi au comité. Nous nous devons d’en apprendre davantage afin d’être en mesure de faire notre travail et de tenir la promesse que nous avons faite aux Canadiens de les écouter.
Je vous remercie, meegwetch.
L’honorable Denise Batters : Certains d’entre nous ont des questions. Sénatrice McPhedran, merci beaucoup pour votre discours.
Tout d’abord, un vote en deuxième lecture est évidemment plus qu’un simple vote pour soumettre une question à l’étude d’un comité. Il s’agit d’un vote sur le principe du projet de loi, qui pourrait effectivement devenir une loi s’il est adopté à l’issue du processus.
La première question que j’ai à vous poser est la suivante : dans votre discours, je crois que vous citiez le Royaume-Uni, vous avez dit que si l’on peut s’enrôler dans l’armée, on devrait pouvoir voter. Cependant, au Canada, on ne peut pas s’enrôler dans l’armée à 16 ans. Il faut avoir au moins 17 ans. Je crois qu’il faut avoir 17 ans et le consentement parental ou 18 ans sans consentement parental.
Cela a-t-il un effet sur votre citation?
La sénatrice McPhedran : Pas vraiment, car à 16 ans et même avant, les jeunes peuvent s’enrôler dans la Force de réserve ou entrer dans les cadets. Ils peuvent ainsi participer au processus militaire du Canada.
La sénatrice Batters : Voici quelques autres choses qu’on ne peut pas faire à l’âge de 16 ans au Canada. Je les ai notées pendant que je vous écoutais. Dans de nombreuses provinces, notamment dans la mienne, la Saskatchewan, on ne peut pas conduire sans conditions. On ne peut pas acheter de cannabis. On ne peut pas acheter d’alcool. On ne peut pas signer de contrat. D’ailleurs, Connor Bedard, grande vedette des Pats de Regina ainsi que de la Ligue nationale de hockey, ou LNH, et premier choix au repêchage cette année-là, n’avait pas encore 18 ans lorsque est venu le temps de signer son premier contrat dans la LNH. Son père a donc dû signer le contrat à sa place. Puis, il y a la question du mariage : certaines provinces n’autorisent le mariage qu’à partir de 16 ans, avec des restrictions importantes telles que le consentement des parents ou du tribunal.
Compte tenu de toutes ces limites, n’est-il pas préférable d’attendre l’âge de 18 ans pour voter plutôt que de le faire à 16 ans?
Son Honneur le Président intérimaire : Sénatrice McPhedran, vous avez demandé trois minutes de plus, et le temps est écoulé. Demandez-vous davantage de temps?
La sénatrice McPhedran : J’aimerais beaucoup en avoir davantage.
Son Honneur le Président intérimaire : Est-ce d’accord?
Des voix : D’accord.
Son Honneur le Président intérimaire : Cinq minutes.
La sénatrice McPhedran : Merci beaucoup.
Sénatrice Batters, je vous remercie pour votre question. Je pense avoir déjà dit qu’il y a un large éventail d’âges différents pour différentes fonctions. Quoi qu’il en soit, la capacité de cognition froide est l’un des principaux indicateurs de la capacité à voter. Certains des exemples que vous avez cités mélangeaient des éléments qui font appel à la cognition chaude et à la cognition froide.
Ce sur quoi nous nous concentrons, en tout cas dans le cadre du travail que je fais à travers le pays dans le cadre de cette campagne, c’est la capacité. Les recherches scientifiques confirment sans ambiguïté que les jeunes de 16 et de 17 ans ont la capacité de réfléchir et de prendre une décision afin de voter.
La sénatrice Batters : Compte tenu de cette question de capacité, ne serait-il pas préférable de comparer l’âge requis pour voter à l’âge requis pour conclure un contrat? Cela touche directement à la capacité, et l’âge requis à cet égard est celui de la majorité, qui est de 18 ans dans certaines provinces et de 19 ans dans d’autres, mais certainement pas de 16 ans.
La sénatrice McPhedran : Cette comparaison me paraît pertinente, mais elle n’est pas déterminante. Nous parlons ici d’étendre le droit de vote, de revitaliser notre démocratie. Les recherches sur la capacité de voter et de le faire de manière responsable penchent très largement en faveur de la capacité des jeunes de 16 et 17 ans.
Il y a beaucoup de lois différentes qui prévoient toutes sortes de limites d’âge différentes pour de nombreuses raisons différentes. Le fait qu’il puisse exister ailleurs dans notre pays une loi qui traite l’âge différemment ne devrait pas nous pousser à mettre spécifiquement en question le droit de vote, la capacité de voter et les données probantes pertinentes en lien avec cette capacité.
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Je vais commencer par vous poser une seule question. Je sais que vous vous êtes toujours passionnément investie dans le travail auprès des jeunes et je vous en félicite.
Je ne pense pas que le Sénat soit le lieu le plus approprié pour examiner un projet de loi qui aura des implications aussi considérables. Nous sommes les plus éloignés des salles de classe, où les élèves sont à la merci des adultes qui leur enseignent. Comme vous le savez, j’ai moi-même été enseignante.
Vous avez parlé d’accueillir des jeunes en tant que témoins, mais vous n’avez pas parlé des enseignants, des syndicats ou de tous les intervenants du même ordre. Convenez-vous que le Sénat serait un excellent endroit pour mener une étude qui nous informerait avant que nous nous engagions dans l’examen d’un projet de loi qui aurait d’énormes répercussions?
La sénatrice McPhedran : Je vous remercie pour la question. Vous soulevez quelques points auxquels j’aimerais répondre. D’abord, vous avez parlé de l’influence en milieu scolaire.
En avril dernier, 880 000 élèves du secondaire au Canada ont voté aux élections d’avril à leur école secondaire dans le cadre d’un programme dirigé par Élections Canada. Les résultats étaient largement partagés. Vous serez peut-être heureuse d’apprendre que les élèves ont en fait élu un gouvernement minoritaire conservateur.
Le point que vous soulevez concernant l’influence des enseignants ne se reflète ni dans les études ni dans la pratique, y compris cette année.
Pour ce qui est de l’élément de votre question portant sur une étude, oui, c’est exactement ce que je suggère, mais je suggère également d’étudier le fond de la question et la possibilité de modifier la loi, comme nous le faisons essentiellement pour tous les projets de loi que nous étudions au Sénat. Si nous étions le premier pays à envisager pareille chose, vous m’auriez peut-être persuadée de faire légèrement marche arrière, mais ce n’est pas le cas. Les études prouvent que c’est un changement qui avantage nettement les démocraties.
Hésiter, ne pas suivre la procédure normale, ne pas prendre le temps d’étudier le projet de loi qui est proposé, ou ne pas faire confiance à nos collègues du comité pour l’examiner et en faire rapport aux sénateurs serait...
Son Honneur le Président intérimaire : Sénatrice McPhedran, votre temps de parole est écoulé, mais la sénatrice Patterson souhaiterait vous poser une question. Souhaitez-vous disposer de plus de temps?
La sénatrice McPhedran : Si vous m’accordez plus de temps, je vous en serais reconnaissante.
Son Honneur le Président intérimaire : Êtes-vous d’accord pour lui accorder du temps pour une autre question?
Des voix : D’accord.
L’honorable Rebecca Patterson : Je voudrais revenir sur certains points qui ont été soulevés. Nous parlons beaucoup des capacités cognitives des électeurs, et je pense que vous avez des arguments convaincants.
Le vote est l’un des plus grands privilèges d’une démocratie. L’un des principes de la démocratie, c’est qu’on est responsable de ce pour quoi on vote. Vous avez certainement présenté des arguments convaincants en ce qui concerne les questions relevant des compétences provinciales ou municipales. Vous avez parlé de manière convaincante des gens qui ne votent pas et qui participent au processus démocratique, et je suis tout à fait d’accord avec vous, mais je vais revenir sur certains points.
J’aimerais apporter une petite précision concernant l’âge pour servir dans l’armée. Le Canada est signataire de la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies sur les enfants soldats. L’âge minimum est de 18 ans au Canada, comme c’est le cas à l’échelle internationale. Même si une personne peut s’enrôler dans la force de réserve à 16 ans avec le consentement de ses parents — je précise que mon fils s’est enrôlé à 16 ans — il existe des restrictions sévères. Ces jeunes ne peuvent pas aller à la guerre.
Lorsque je parle des obligations et des responsabilités qui accompagnent le droit de vote, je pense qu’il est essentiel que tout ce que nous faisons à cet égard, c’est formidable de parler des droits — les capacités cognitives sont un exemple parfait —, mais quelles sont les responsabilités, en particulier en ce qui concerne les questions qui relèvent du domaine fédéral?
Je ne pense pas qu’un jeune de 17 ans devrait être incarcéré pour meurtre. Cependant, si on vote aux élections fédérales pour un parti, un groupe ou un politicien, on contribue aux décisions prises relativement à un programme électoral.
Je conviens que les capacités cognitives sont là, mais, selon moi, pour étudier pleinement le projet de loi, je dois vous demander si nous examinerons également les éléments extrêmes, comme les obligations et les responsabilités qui accompagnent le droit démocratique de voter. Devrons-nous regarder ailleurs pour voir si nous devons également changer certaines limites d’âge qui s’appliquent aux mineurs? Ces éléments feraient-ils partie de votre étude?
(1700)
La sénatrice McPhedran : C’est là toute la beauté des comités sénatoriaux : ils ont le pouvoir de décider ce qui mérite d’être étudié, et j’ai confiance en leur sagesse.
En ce qui concerne votre remarque sur la responsabilité et l’obligation de rendre des comptes, ce que nous voulons, c’est la cohérence : ne pas imposer aux jeunes de 16 et 17 ans des exigences que nous n’imposons pas aux autres électeurs. C’est en partie ce que je voulais dire tout à l’heure : nous connaissons tous des personnes qui ne devraient pas voter, mais elles en ont le droit.
L’autre avantage ici est que cette mesure a des implications constitutionnelles, sans toutefois nécessiter de modification de la Constitution. Si elle se concrétisait, nous pourrions compter environ deux millions de nouveaux électeurs potentiels.
La proposition consiste à approfondir précisément les questions soulevées ici aujourd’hui et à tirer parti du fait que le Sénat serait éclairé par le processus rigoureux mené par nos comités.
(Sur la motion de la sénatrice Clement, le débat est ajourné.)
Projet de loi sur le Mois du patrimoine arabe
Deuxième lecture
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Al Zaibak, appuyée par l’honorable sénateur Aucoin, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-227, Loi instituant le Mois du patrimoine arabe.
L’honorable Mohammad Al Zaibak : Je demande le vote.
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Al Zaibak, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)
Projet de loi sur la stratégie nationale pour la santé des sols
Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Black, appuyée par l’honorable sénateur Downe, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-230, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale pour la protection, la conservation et l’amélioration de la santé des sols.
L’honorable Paula Simons : Honorables sénateurs, je prends maintenant la parole au sujet du projet de loi S-230, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale pour la protection, la conservation et l’amélioration de la santé des sols.
Je vais commencer par une petite leçon d’histoire de l’art. En 1337, le peintre de la Renaissance Ambrogio Lorenzetti a reçu une importante commande : peindre une immense fresque sur les murs de la salle des Neuf dans le palais public de la cité-État de Sienne.
Sienne était une république fière, dirigée par un conseil de neuf magistrats. Lorenzetti avait pour mission de créer une œuvre d’art qui rappellerait aux magistrats et à tous ceux qui leur succéderaient la valeur d’un bon gouvernement, d’une ville et d’une communauté régis par les vertus de la tempérance, de la justice, de la prudence, du courage, de la magnanimité et de la paix. La commande a pris deux ans, mais la fresque achevée, Allégories du Bon et du Mauvais Gouvernement, reste un chef-d’œuvre de l’art de la Renaissance italienne.
D’un côté de la salle se trouvent les scènes illustrant un bon gouvernement. Elles montrent une ville heureuse, pleine de boutiques et de commerces, de clients et de marchands, de danseurs et de musiciens — un paysage urbain animé qui, même aujourd’hui, me donne envie de le visiter.
À côté de la sophistication urbaine, nous voyons une campagne tout aussi heureuse. De riches terres agricoles verdoyantes où des fermiers heureux travaillent la terre, des champs, des troupeaux et des vergers, et, au loin, des flancs de montagnes plus sauvages recouverts d’une épaisse forêt d’arbres. Un parchemin au-dessus indique aux visiteurs que tout le monde peut cultiver et semer sans crainte, tant que la justice reste souveraine.
Or, de l’autre côté de la salle, nous voyons ce qui se passe quand la justice, la tempérance, la prudence et le courage font défaut, quand nous perdons notre capacité à être magnanimes. Dans l’allégorie du mauvais gouvernement, la ville est tombée en ruine et les voleurs sévissent dans les rues. À la campagne, les fermiers heureux et le bétail ont disparu. La terre est brune, grise, stérile, ravagée par la sécheresse et les incendies. Les champs sont en friche, les arbres ne portent pas de fruits. Même les basses montagnes à l’arrière-plan ont des airs de mines à ciel ouvert.
Les fresques d’Ambrogio Lorenzetti ont près de 700 ans, mais leur allégorie est tout aussi pertinente aujourd’hui qu’au XIVe siècle. Un bon gouvernement est un gouvernement qui prend soin des terres et qui protège celles-ci, qu’elles soient agricoles ou sauvages. Une bonne ville est une ville qui vit en harmonie avec une campagne florissante. Si les terres sont détruites, la paix et l’abondance disparaissent avec elles.
Maintenant, je vais vous révéler deux secrets. Je ne suis jamais allée à Sienne, et je n’ai jamais vu la fresque Allégorie et effets du Bon et du Mauvais Gouvernement en personne. La dernière fois que j’ai étudié l’histoire de l’art, c’était à ma première année d’université. Pourtant, l’histoire et les images du chef-d’œuvre de Lorenzetti me hantent depuis que j’ai vu quelques diapositives cet été. Je n’étais pas en Italie. J’étais en fait à Bonn, en Allemagne, où j’ai eu l’honneur d’être invitée à participer à l’académie mondiale des parlementaires acteurs du changement, une initiative de l’École des cadres des Nations Unies et de l’Initiative foncière mondiale du G20.
Inspiré par la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification, ce programme de formation estivale a réuni 29 parlementaires issus de 29 pays membres de l’ONU pour une sorte de stage intensif sur les questions de santé des sols, de restauration des terres et de droits fonciers des populations autochtones.
J’ai été accompagnée par des députés et des sénateurs venus d’aussi loin au nord que la Suède, d’aussi loin au sud que Kiribati, et, entre les deux, du Suriname, d’Eswatini, de Mongolie, de Colombie, d’Azerbaïdjan et du Zimbabwe. Ce fut une occasion remarquable de rencontrer des politiciens, des chercheurs, des experts onusiens, des ONG et des militants, tous concentrés sur la question de la prévention et de la lutte contre la dégradation des terres. Cela a permis de replacer les récents travaux du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts dans un contexte mondial peu réjouissant.
Selon les Nations Unies, 90 % des sols de la planète pourraient être dégradés d’ici 2050, à moins que nous agissions maintenant. Cinquante-deux pour cent des terres agricoles du monde sont déjà dégradées. En outre, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture estime que ces sols auront disparu d’ici 60 ans.
Partout dans le monde, les terres se dégradent à un rythme de 100 millions d’hectares par an, victimes de l’urbanisation, de la déforestation, du développement industriel, de l’exploitation minière, de la pollution, de la surexploitation agricole et de la sécheresse.
Que faisons-nous pour stopper ou renverser ces tendances désastreuses? En novembre 2020, au Sommet de Riyad, les leaders des pays du G20 ont lancé l’Initiative mondiale pour la réduction de la dégradation des terres et l’amélioration de la conservation des habitats terrestres. L’initiative mondiale avait pour buts de prévenir, d’arrêter et d’inverser la dégradation des terres, ainsi que de réduire de 50 % les terres dégradées d’ici 2040, un objectif très ambitieux. Comment l’atteindre? En conservant les terres et en mettant fin à la perte d’habitats et à la dégradation des terres; en promouvant une gestion intégrée, durable et résiliente des terres, principalement par l’entremise de pratiques traditionnelles et axées sur la nature; et en restaurant les terres dégradées grâce à des stratégies telles que le reboisement, l’agriculture durable et régénérative et des conversations sur la biodiversité, entre autres.
En principe, tout cela semble formidable. Malheureusement, il n’est pas si facile de faire respecter de tels engagements internationaux à l’échelle locale. Il ne suffit pas de signer des engagements et de faire des promesses. Nous devons agir. C’est pourquoi je suis heureuse d’appuyer le projet de loi S-230, Loi sur la stratégie nationale pour la santé des sols. Le projet de loi, parrainé par mon ami et collègue le sénateur Rob Black, s’appuie directement sur les principales recommandations d’un rapport qui nous mène hors des terrains connus, si vous me permettez l’expression, c’est-à-dire notre rapport sur la santé des sols, intitulé Terrain critique.
Le projet de loi demande au Canada de reconnaître les sols à titre de patrimoine national stratégique et de faire des recommandations concernant la nomination d’un défenseur national de la santé des sols, qui aurait notamment comme mandat de sensibiliser le public et les politiciens à l’importance de sols sains pour notre environnement, notre économie agricole et notre sécurité alimentaire. Cela permettrait d’inscrire les recommandations du rapport de notre comité dans la loi. Ainsi, notre rapport n’accumulerait pas la poussière.
Au risque de paraître cynique, je dirais que le fait de reconnaître les sols à titre de patrimoine national stratégique, tout comme le fait de nommer un défenseur national de la santé des sols, peut sembler aussi idéaliste et intangible que l’Initiative foncière mondiale du G20, mais je crois qu’il s’agit d’un premier pas modeste et essentiel.
La plupart des Canadiens — tout comme la plupart des politiciens et des décideurs — vivent en milieu urbain. Nous n’avons pas de lien direct avec le sol ou la terre. Nous avons perdu ce lien intime entre la ville et la campagne que célèbrent les magnifiques fresques de Sienne.
(1710)
Ainsi, quand on présente des statistiques sur la dégradation ou la santé des sols à la plupart des Canadiens, leur regard prend un air absent. À n’en pas douter, le simple fait de désigner les sols comme une ressource nationale stratégique et de nommer un ambassadeur politique et public des sols pourrait contribuer à réveiller les Canadiens. Cela pourrait également aider le Canada à respecter les engagements qu’il a pris dans le cadre du G20 pour inverser la tendance de la dégradation des sols.
Au Canada, bien sûr, il est compliqué pour le gouvernement fédéral de s’engager dans la protection et la restauration des sols. Selon notre Constitution, l’agriculture relève d’une compétence partagée entre le gouvernement fédéral et les provinces, mais la gestion des terres est généralement un champ de compétence provinciale. Dans notre confédération, ce sont les provinces, les municipalités et les comtés qui déterminent comment réhabiliter les sites miniers, gérer les puits orphelins et réglementer l’aménagement du territoire.
Voici une anecdote : j’ai essayé d’expliquer cette limitation constitutionnelle à mes camarades de classe à Bonn. Ils m’ont regardée, perplexes. Le député de l’Inde, dans un élan d’entraide, m’a dit : « Ne pourriez-vous pas tout simplement changer cela? » J’ai éclaté de rire, mais il n’a pas vraiment compris pourquoi.
Donc non, nous ne pouvons pas réécrire la Constitution, et en tant que sénatrice de l’Alberta, je ne me permettrais certainement pas de prétendre que nous devrions bafouer les droits des provinces.
Toutefois, un défenseur national des sols pourrait assumer un rôle de leader et réunir les dirigeants provinciaux, territoriaux, autochtones et municipaux pour discuter de la meilleure façon de préserver, de gérer et de restaurer les terres que nous partageons. Cette conversation doit avoir lieu sans tarder.
Le Canada se trouve à un point d’inflexion. Nos relations commerciales traditionnelles sont complètement dégradées. Une partie de notre population n’a pas accès à un logement pour se bâtir une vie. L’ordre politique mondial est en pleine mutation, et personne ne sait ce qui nous attend.
En tant que pays, le Canada doit assurer sa souveraineté économique et sa prospérité à long terme. Pas étonnant que les pressions s’intensifient pour que nous augmentions la production de pétrole, de gaz naturel et de charbon métallurgique, que nous accélérions l’exploitation de nouvelles mines de cuivre, que nous faisions davantage de prospection de minéraux critiques, que nous revitalisions notre secteur de l’énergie nucléaire et que nous construisions davantage de logements abordables sur des terrains vierges et des terres agricoles productives. Bon nombre de ces projets, y compris ceux qui ont déjà été désignés comme des projets d’intérêt national, ont une énorme valeur économique et sociale.
Alors que le Canada connaît toutes sortes d’incertitudes économiques et politiques, la nécessité de protéger la sécurité alimentaire nationale demeure bien réelle et urgente. Nous avons besoin de sols propres et sains pour produire des aliments nutritifs qui ne sont pas contaminés par des polluants et des substances cancérigènes. Nous devons également préserver nos terres agricoles si nous voulons maintenir et développer nos marchés d’exportation et nous assurer de pouvoir nous nourrir, surtout à un moment où de nombreux Canadiens sont de plus en plus sceptiques quant aux répercussions économiques, politiques et sanitaires de l’achat d’aliments américains importés.
Il faut trouver un équilibre. Il faut trouver un moyen de faire en sorte que nous ne bétonnons pas, ne polluons pas et ne dégradons pas les écosystèmes naturels vulnérables et les sols les plus fertiles et que nous ne bafouons pas les droits fonciers des communautés autochtones et des agriculteurs.
Bien entendu, nous nous heurtons à ce problème récurrent : le Sénat ne peut pas rédiger un projet de loi qui entraîne des dépenses. À vrai dire, je ne sais pas combien coûterait la désignation des sols comme patrimoine national ou la nomination d’un ambassadeur des sols ni si ces coûts pourraient simplement être absorbés par le budget actuel du ministère de l’Agriculture. Je sais cependant ce qu’il en coûtera si nous ne commençons pas à prendre au sérieux la question de la protection des sols et de la dégradation des terres.
Tempérance, prudence, force et justice. Ces principes, si magnifiquement représentés sur les murs de Sienne à la Renaissance, sont aussi essentiels à la bonne gouvernance aujourd’hui qu’ils l’étaient dans les années 1300. Sans une bonne gouvernance et sans prendre soin des sols, nos terres deviendront aussi austères et stériles que les visions les plus sombres de Lorenzetti.
Merci, hiy hiy.
Des voix : Bravo!
L’honorable Robert Black : J’ai quelques questions à vous poser.
La sénatrice Simons : Je vous en prie.
Le sénateur Black : Chère collègue, je vous remercie de votre intervention. Je l’ai vraiment aimée.
Il y a quelques mois, quand vous avez discuté avec vos camarades de classe de l’été, avez-vous eu l’impression que d’autres pays avaient une stratégie nationale pour la santé des sols ou des défenseurs des sols que nous ne connaissons pas?
La sénatrice Simons : Je ne sais pas si l’un de ces pays a un défenseur national des sols, mais ces questions tenaient à cœur à beaucoup de gens. La question est très urgente pour un habitant de Kiribati, où le sol est littéralement englouti par la mer. La députée de la Namibie était membre d’un parti qui représente des personnes sans terre, et elle défendait avec passion la restitution de terres à des personnes qui les gèreraient et qui les entretiendraient.
Des gens de tous les pays représentés étaient saisis de cette question.
Le sénateur Black : J’ai une dernière question : avez-vous eu le sentiment que ces pays observaient le Canada et ce que nous effectuons ou tentons d’accomplir?
La sénatrice Simons : Ce qui était passionnant dans ce rassemblement, c’est que beaucoup d’entre nous ne savaient pas ce que les autres faisaient. Je tiens à ce que vous sachiez, sénateur Black, que j’ai emporté avec moi tous les codes QR de notre étude sur les sols et que j’ai veillé à ce que chaque délégué et membre des Nations Unies en ait une copie. S’ils n’étaient pas attentifs avant, je m’efforce de faire en sorte qu’ils le soient maintenant.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
Affaires sociales, sciences et technologie
Autorisation au comité d’étudier les questions concernant les affaires sociales, la science et la technologie en général
L’honorable Rosemary Moodie, conformément au préavis donné le 25 septembre 2025, propose :
Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, conformément à l’article 12-7(11) du Règlement, soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, les questions qui pourraient survenir concernant les affaires sociales, la science et la technologie en général;
Que le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer des rapports sur cette étude auprès de la greffière du Sénat si le Sénat ne siège pas à ce moment-là et que lesdits rapports soient réputés avoir été déposés au Sénat;
Que le comité soumette au Sénat son rapport final sur son étude au plus tard le 15 octobre 2029 et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
Affaires juridiques et constitutionnelles
Autorisation au comité d’étudier les questions concernant les affaires juridiques et constitutionnelles en général
L’honorable David Arnot, conformément au préavis donné le 1er octobre 2025, propose :
Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, conformément à l’article 12-7(9) du Règlement, soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, les questions qui pourraient survenir occasionnellement concernant les affaires juridiques et constitutionnelles en général;
Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 10 octobre 2027.
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
Affaires sociales, sciences et technologie
Autorisation au comité d’étudier des questions relatives aux répercussions de l’intelligence artificielle
L’honorable Rosemary Moodie, conformément au préavis donné le 1er octobre 2025, propose :
Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, des questions relatives aux répercussions de l’intelligence artificielle au Canada, en insistant sur les points suivants :
a)la souveraineté et la gouvernance des données;
b)l’éthique, la protection des renseignements personnels et la sécurité;
c)les risques, les avantages et les effets sur la société;
Que le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer des rapports sur cette étude auprès de la greffière du Sénat, si le Sénat ne siège pas à ce moment-là, et que lesdits rapports soient réputés avoir été déposés au Sénat;
Que le comité soumette son rapport final au Sénat sur son étude au plus tard le 31 décembre 2026 et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
Pêches et océans
Autorisation au comité d’étudier les questions relatives au cadre stratégique actuel et en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition), au nom du sénateur Manning, conformément au préavis donné le 1er octobre 2025, propose :
Que le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, conformément à l’article 12-7(13) du Règlement, soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, les questions relatives au cadre stratégique actuel et en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada, incluant la sécurité maritime;
Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 31 décembre 2027 et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
(1720)
Sécurité nationale, défense et anciens combattants
Autorisation au comité d’étudier les questions relatives à la sécurité nationale et à la défense en général
L’honorable Hassan Yussuff, conformément au préavis donné le 1er octobre 2025, propose :
Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants, conformément à l’article 12-7(17) du Règlement, soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, les questions qui pourraient survenir occasionnellement se rapportant à la sécurité nationale et à la défense en général, y compris les anciens combattants;
Que le comité soumette son rapport final au Sénat le 10 octobre 2027 au plus tard, et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
L’avenir des médias d’information canadiens
Interpellation—Ajournement du débat
L’honorable Andrew Cardozo, ayant donné préavis le 18 juin 2025 :
Qu’il attirera l’attention du Sénat sur l’avenir des médias d’information canadiens et leur modèle de financement à long terme, y compris celui de CBC/Radio-Canada.
— Honorables sénateurs, je me rends compte que je vous empêche littéralement d’aller souper. J’ai retiré de nombreuses pages de mon discours. Je serai bref.
Je lance cette interpellation sur le financement des nouveaux médias d’information au Canada. Chers collègues, les médias d’information canadiens traversent une véritable crise. Cette interpellation porte sur le financement à long terme des médias d’information d’un bout à l’autre du Canada, qu’ils soient publics, privés ou sans but lucratif. Elle s’inscrit dans le prolongement de l’interpellation que j’ai lancée lors de la dernière législature sur l’avenir de CBC/Radio-Canada.
[Français]
Je remercie sincèrement nos collègues qui ont pris la parole dans le cadre de cette enquête : les sénateurs et sénatrices Forest, Bernard, Miville-Dechêne, Moncion, Duncan, McCallum, Gerba, Klyne et Aucoin. Nous avons entendu de nombreux points de vue de grande valeur qui ont grandement contribué au débat public plus large sur la CBC/Radio-Canada.
[Traduction]
Je n’ai pas pu clore l’interpellation en raison de la prorogation, mais j’ai publié un rapport sommaire sur mon site Web, senatorcardozo.ca.
Voici les principaux éléments de ce rapport. Des présentations ont fait ressortir la nécessité d’être animés par la conviction profonde que CBC/Radio-Canada doit continuer ses activités et croître. Il est important de maintenir une programmation solide en français et en anglais, particulièrement en français partout au pays. Le radiodiffuseur public doit constamment innover et s’adapter à l’évolution rapide de la technologie des médias. Il faut mettre l’accent sur la diversité dans tous ses forums afin de refléter la réalité canadienne. Il faut augmenter considérablement la programmation locale, améliorer la couverture de l’actualité internationale et voir à ce que la programmation de CBC/Radio-Canada reflète mieux la diversité sociale et politique.
Par ailleurs, je tiens à saluer le travail du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, qui a entamé l’an dernier une étude axée précisément sur la programmation locale à CBC/Radio-Canada.
Je félicite mes collègues les sénateurs Hay et Wilson ainsi que les autres membres du comité directeur, les sénateurs Smith, Dasko et Lewis, d’avoir établi un plan afin de terminer l’étude cet automne. Cette étude arrive à point nommé et elle apportera beaucoup au débat national.
Le comité a entendu 59 témoins l’an dernier. Il a reçu nombre de commentaires réfléchis sur un large éventail de points de vue.
Aujourd’hui, je souhaite élargir le champ de la discussion et penser à des modèles financiers que les médias d’information pourraient utiliser dans les années à venir et à long terme.
[Français]
Aujourd’hui, nous élargissons le débat et nous parlons des solutions possibles pour le modèle économique des médias d’information dans les années à venir.
En plus de CBC/Radio-Canada, la plupart des médias traditionnels — les journaux, la radio et la télévision, ainsi que de nombreuses publications en ligne — bénéficient d’aide publique, de subventions directes ou de crédits d’impôt. Ce modèle, naturellement, a ses partisans et ses détracteurs.
[Traduction]
Je tiens à préciser que la discussion a lieu maintenant en grande partie parce que deux partis politiques, le Parti conservateur et le Parti populaire, ont promis lors des dernières élections de mettre fin à la totalité ou à la majeure partie du financement fédéral accordé au radiodiffuseur public et aux médias privés. Ces partis ont soulevé de sérieuses questions et émis de sérieuses réserves qui méritent d’être discutées sérieusement.
Le point central — avec lequel je ne pas en désaccord — est qu’un média indépendant ne devrait pas recevoir de fonds publics. Voici le dilemme : si nous mettons fin à toutes les subventions aujourd’hui, nous mettons fin à tous les médias publics et indépendants au Canada. Je vous invite à réfléchir à ce dilemme et à en discuter. À mon avis, nous avons besoin de toute urgence d’un débat et d’idées nouvelles sur la manière dont les médias d’information, tant publics que privés, peuvent prospérer et servir au mieux le bien commun.
Voici les quatre questions que je vous encourage à aborder parmi toutes celles que vous jugez importantes.
La première option consiste à mettre en place un modèle de financement viable et à long terme pour les médias d’information canadiens, capable de jouir de l’appui et de la confiance des Canadiens. L’une des solutions envisagées consiste à faire passer tout le financement des médias par un organisme indépendant, sans lien avec le gouvernement. Le nouveau Collectif canadien de journalisme, qui supervise les fonds versés par Google à la suite de l’adoption du projet de loi C-11, est l’une de ces options.
Vous vous souviendrez que lorsque le ministre Steven Guilbeault était ici la semaine dernière, je lui ai posé une question à ce sujet, et il a mentionné ce modèle comme étant une option. À mon avis, il faudrait aller au-delà des fonds provenant de Google : tous les fonds publics versés aux médias d’information — les médias privés et à but non lucratif — devraient passer par cet organisme indépendant. C’est l’un des aspects qui doivent faire l’objet de discussions.
La deuxième question concerne le rôle futur de CBC/Radio-Canada dans le cadre d’un écosystème médiatique plus large.
Vous savez sans doute que cette société a été créée en 1936 par le premier ministre conservateur R.B. Bennett afin de contrer l’invasion des émissions américaines qui risquaient d’anéantir la culture et l’identité canadiennes. Paradoxalement et malheureusement, le défi actuel est le même sur le fond, mais il est plus grave en ce qui concerne la quantité d’émissions et la rapidité du processus.
La troisième question porte sur l’état actuel et le potentiel futur des nouveaux écosystèmes médiatiques d’information exclusivement en ligne. De nombreux nouveaux médias d’information en ligne voient le jour. Citons par exemple The Hub, The Tyee, The Narwhal, Halifax Examiner, National Newswatch, PressProgress et LiveWire.
C’est certainement là que réside le plus grand espoir pour l’avenir des médias d’information au Canada, et même dans de nombreuses autres régions du monde. À l’heure actuelle, la plupart de ces médias sont de petite taille, voire spécialisés, mais beaucoup garantissent des normes élevées de journalisme impartial et méritent notre respect pour leur détermination et leur innovation.
La quatrième question concerne les conséquences sur la démocratie de la présence réduite et des normes de moins en moins élevées des médias d’information.
À l’heure actuelle, dans un nombre de plus en plus élevé de villes et de collectivités, il n’y a aucune couverture des conseils municipaux, ni des entreprises locales, ni des écoles, ni des événements sportifs. En fait, c’est même le cas dans plusieurs grandes villes, où un journal peut ne couvrir qu’un ou deux sujets alors que les conseils municipaux doivent traiter d’un grand nombre d’enjeux.
Ici, au Sénat, on voit très peu de couverture des activités du Sénat.
Le pouvoir croissant des réseaux sociaux, la mésinformation et la désinformation en ligne, l’utilisation de plus en plus abusive de l’intelligence artificielle et la capacité des acteurs malveillants à manipuler la démocratie sont des problèmes qui prennent rapidement de l’ampleur et qui demandent notre attention. Encore une fois, les quatre enjeux sont les suivants : un modèle financier viable à long terme pour tous les médias; le rôle de CBC/Radio-Canada; les médias en ligne émergents et les effets sur la démocratie.
[Français]
En conclusion, et pour résumer : cette enquête vise à trouver un modèle financier à long terme pour les médias d’information au Canada, qu’ils soient gérés par le secteur sans but lucratif, privé ou public.
[Traduction]
Il s’agit de cerner les solutions possibles pour le modèle économique à long terme des médias d’information au Canada.
(1730)
De nombreux Canadiens avec lesquels j’ai discuté au cours des derniers mois estiment que la nature largement non partisane du Sénat nous offre, offre aux Canadiens, le meilleur forum pour mener une discussion relativement libre de considérations partisanes, en mettant plutôt l’accent sur l’avenir des médias d’information d’une manière bénéfique pour le Canada, la démocratie canadienne et les Canadiens.
Chers collègues, je vous invite à participer à cette discussion au cours des prochaines semaines.
[Français]
Chers collègues, je vous invite à participer à cette interpellation sur cet aspect essentiel de notre démocratie au cours des prochaines semaines. Merci.
(Sur la motion du sénateur Francis, le débat est ajourné.)
(À 17 h 31, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 7 octobre 2025, à 14 heures.)